196 LIVRES LIVRES LES INNOCENTES OU LA SAGESSE DES FEMMES, par la Comtesse de No ailles. Lorsque la nuit vient, et qu’à petits pas tous les insectes s’appro chent, lorsque les oiseaux victorieux posent leur tête sous l'aile, on attend une minute de silence. La nuit s’étend, les bras en croix. Le calme est né. Mais derrière cette longue draperie des drames se nouent. Nos yeux sont baissés, nos bras trop las. Nous n’avons pas l'audace de troubler l’ordre des plis. Madame de Noailles, plus courageuse, écarte les lambeaux d’ombre et de ses yeux ardents, elle regarde, elle voit. La théorie plaintive des Innocenter se perd dans le ciel et forme une constellation. Inclinons-nous. Que d’autres que moi, plus froids, moins attentifs, discutent longuement ce livre. Je vis. Il y a depuis cette lecture un univers nouveau : le ciel « couleur de te revoir », « l'ange silencieux, porteur de paradis ». Je vous quitte, parce qu'il y a en Hollande des moulins qui frappent « de leurs battes joyeuses le lait bleu d’un azur humide ». Nous nous éloignons plus légers, plus fiers, et moins humains. La couleur du ciel et l'odeur de la terre me touchent. Et j’écoute pleu rer ces innocentes comme la source de ma tristesse. Ce malentendu éternel comme l’amour, je veux l’éteindre et le déchirer. Madame de Noailles, plus cruelle, l’élève comme une hostie. Un secret miraculeux, trop lourd pour nos mains, nous est confié. J’écoute et j'obéis, mais je ferme les yeux et je marche dans la lumière d'or de la poésie. Nous ne le connaîtrons jamais ce secret. Il s'échappera à travers les bar reaux de nos doigts, et s’envolera vers le soleil couchant vers les nuages, moutons d’or. Nous croirons le posséder encore et nous serre-