198 LIVRES LA VÉNUS INTERNATIONALE, par Pierre Mac Orlan (N. R. F.) Les romans nous ennuient : encore des personnalités. L’intelligence est lente à s’émouvoir de sa faim : des amours troubles, des plaisirs nouveaux peuvent un instant la distraire. Bientôt on ne peut plus la contenir avec des hochets, des nouvelles à la main, l'accordéon des images et de petits récits adultérins. Il nous manque un décor entier de la vie morale. L'heure est aux Evangiles ; une robuste foi coloriée égayera un peu ces matins gris. Qu'un homme entier se présente devant nous, avec des mains qui ont cherché à satisfaire sa peine, qui se soit inquiété de découvrir un axe véritable, une hampe, un système où se reposer, où enfin trouver l’équilibre — ceux qui nous présentent de simples récits ronds comme des pommes risquent bien de les garder pour des cidres plus corrosifs. Nous voulons des conseils, des préceptes, qu’on dépouille les voiles et nous montre les chemins, qu'on nous initie à des épaisseurs, des éclats, des poids nouveaux. Mac Orlan s'y attache, sa détresse est véritable. Il cherche depuis deux ans le sens exact du costume du siècle, les aigrettes bleues des tramways, les voix des femmes au téléphone, les chèques, les mitrail leuses humides d’huile, les drapeaux faits avec des ceintures. La dou ceur étirée du symbolisme ou la chaste propreté classique n'épousent pas ces contours anguleux : dans ce siècle sans mythologie rien n’amor tit le heurt d'une âme inquiète et qui sait se dépouiller, avec la vie de l'époque. Sans points de contact avec le monde, Antée, s’il ne peut toucher la terre, perd ses forces, s'anémie.