418 JACQUES POREL Lui-même s’exprime ainsi : — J’aime que pour un moment, avant de tout brouiller pour passer k un autre moment, tout soit net. — L'ordre n'est pas encore fait, après quoi littérateur et poète, il écrira des livres. Il doit tout remettre en question, explorer, éprouver et nier, nier avec cette rigueur qui s'attache à l'amour de la vérité. Est ce à dire qu'il soit froid? Au contraire, mais il ne permet jamais à son enthousiasme de faire obstacle à sa lucidité. Aussi est-il partisan du plus grand effort et de ce culte du corps qui redresse l'esprit. Cela fait, l’intelligence peut aller où bon lui semble. Chemin faisant, elle épie et juge tous les résultats, quels qu'ils soient. Ce besoin de débrouiller, d'éclaircir avant d’aller plus avant, de savoir exactement où il en est, cette impossibilité de penser à moins, sont les caractéristiques de l'attitude actuelle de Drieu. C'est dans ces conditions, entre ces limites volontairement acceptées, qu'il entreprend son étude d'esthétique sociale, sa confession d'homme-pays. Il faut noter chez Drieu cette fusion de l’art et des questions sociales. Il s'occupe de sociologie en poète avec tout ce que la poésie comporte d’abstraction élevée, de critique instinctive et d'amour des formes. Poète, il est celui de la vie des peuples, de l’homme dans ses rapports avec la multitude ordonnée : la société. Il figure assez bien ce que serait un WRitman qui aurait assisté à cette dernière guerre, un Whitman latin. Je suis même surpris de ne pas trouver le nom du grand Américain dans la réponse de Drieu à l'intéressante enquête de la Revue Hebdomadaire sur les directions de la jeune littérature. Nos vrais maîtres sont peut-être ceux auxquels nous pensons le moins. Cette attitude de citoyen du monde a mis en valeur un beau talent verbal. Drieu La Rochelle est un politique qui pense au lieu d'un politique qui agit. Il serait étrange qu’il ne finît pas par entrer dans la sphère active d'un art pour lequel il semble théoriquement si bien fait. A l’heure où l'on énumère un joli nombre d’écrivains diplomates, il n'est peut être pas indifférent de désigner chez nous ce poète-tribun. Ce qui arrête probablement Drieu sur la voie de la politique (simple supposition), c’est l'enchaînement qu'y risquerait sa pensée. Car, et cela n'est pas sa moindre originalité, il n'a opté ni pour