SPECTACLES 363 SPECTACLES MARCEL HERRAND Marcel Herrand joue Candida, de Bernard Shaw. Des bras qui n'en finissent pas, des yeux droits et des sourcils, des sourcils. Je le vois s'avancer, dressé ; sur les lèvres quelques mots qu'il va prononcer et recueillir dans ses mains. Marcel Herrand a su comprendre et dire les poèmes de mes amis (et les miens), osé porter sur la scène la pureté qu'il aimait dans cette poésie. Il a pu être audacieux à force de simplicité, de netteté. Pas de gestes inutiles, pas de tremblements de voix involontaires qui “font bien" mais qui sont idiots. Il n'a pas hésité à paraître sec et froid pour être lui. Il sait qu'il est au théâtre et qu'on le regarde, qu'on le voit. S r il rit ou s’il pleure, on ne le voit pas, on le sent. Je vais parfois assister à l'une de ces pièces invraisemblables pour comparer le jeu d’Herrand à celui de ses camarades. Les uns s’agitent, sautent et hurlent, les autres se mouchent. Lui a la chance d’avoir vingt-cinq ans et de rire de toutes ses dents, d’être sombre de tous ses yeux, ou de tous ses cheveux. Asseyons-nous un instant dans un de ses inconfortables fauteuils et regardons-le ; essayons de nous moquer de lui comme nous nous moquons des autres acteurs. Il paraît raide comme un soldat de plomb, indifférent comme un ballon. Il parle et sa voix âpre emplit cette salle où nous sommes. Elle sonne comme une cloche. Ses gestes coupent, ses grimaces sont acides, Herrand doit avoir horreur du flou.