- 14 — VACANCES D’ARTISTES Le Figaro, qui poursuit une enquête sous ce titre, publie le 20 août la réponse de Francis Picabia : « Monsieur, Je suis très flatté que vous me compreniez parmi « les artistes les plus en vue de ce temps ». Il est vrai qu’ils sont si nombreux ! Votre enquête arrive à propos. L’évolution Dada était complètement terminée, je puis vous avouer que j’ai quelques regrets d’avoir contribué à créer ce mouv - ment. Je n'y voyais qu’un moyen de « déblaiement » qui permettrait, par la suite, une floraison plus puissante, plus intéressante, plus épurée. Mon espoir a été déçu. Non seulement ceux dont nous avions assez sont demeurés, mais Dada, par son attitude relâchée, a permis à toute une corporation de jeunes impuissants de se produire, en essayant de se faire prendre au sérieux. Je tiens pourtant à dire que grâce à Dada j'ai pu connaître les deux seuls hommes vérita blement intelligents qui en aient fait partie : André Breton et Louis Aragon. Comme moi ils ont le dégoût de ceux que le succès grisa et qui se prennent main tenant pour de grands hommes, ou cherchent à tirer parti de ce succès de façon mercantile ». N’en déplaise à Francis Picabia, je serai le dernier à convenir que Dada ait eu pour but de préparer une renaissance quelconque. Je m’inscris même avec violence contre tout ce qui tendra à établir cette thèse si rassurante et, par suite, déjà très goûtée. Il faut lui rendre cette justice, Dada, si ses forces ne l’eussent trahi, ne demandait qu’à détruire de fond en comble. Libre à chacun de faire toutes réserves sur les moyens employés, il n’en est pas moins vrai que cette tendance, qui pré serve encore aujourd’hui Dada du succès définitif, fut toujours mise en avant. Je ne connais pas d’homme plus préoccupé que Picabia de la caractérisation de l’esprit qui, pour quelques-uns d’entre nous, s’est fait jour depuis peu en dehors de Dada ; je sais aussi, chez lui, à quel admirable sens de la vie ce besoin répond et j’accuse tout au plus sa hâte, et je ne m’alarme pas comme certains de mes amis, quand je le vois, pour ensevelir plus vite un esprit qui s’est à son propre point de vue décon