188 BLAÏSE CENDRARS ville. Il ouvrit cette dernière. Elle était signée Rosabelle. On le priait de bien vouloir venir le lendemain. Que pouvait-elle bien lui vouloir? Après toutes leurs effusions pas sionnelles de péripatéticiens épistoliers et leur silence, brusque, de deux ans, voulait-elle lui expliquer les causes de son ennui, de son dégoût, de sa fatigue? Il eut un méchant sourire. Certes, il irait; il est toujours agréable de ratiociner sur l’amour avec une jeune femme indolente... oui, non... enfin, il se déciderait le lendemain. L’autre lettre était ainsi conçue : « Mon bien-aimé! — Le baiser d’adieu brûle encore sur ma bouche et l’étreinte de la séparation a déchiré mon cœur, du haut en bas. Venez! Nous n’avons pas eu le temps de nous aimer, — mes examens, mon départ précipité. Venez! Je vous suis toute soumise. O mon cher toi, je t’aime! (( J’ai fait une admirable traversée. Le Chicago est un vaillant bateau. Nous avons été secoués par une formidable tempête. Ci-joint, comme je vous l’avais promis, mes impressions de voyage. « Dans huit jours, mon cours d’ouverture. (( Des baisers. Je t’aime! « OLYMPIE. » P. S. — Mon mari m’est bon comme un grand frère. Il est très sage. Venez. Il m’a promis de vous procurer un emploi de bibliothé caire. — Je t’aime. O. » ... Elle aussi! La chair de la femme est donc insatiable, n’est point apte au mensonge? Quelle brutalité! Femme, tu aimes le scandale, tu te déshabilles pour un bain d’adultère. — Mets des voiles, mets des voiles, — je suis las de la chair crue!... Ainsi, l’une désire entendre le pipeau de ma voix, se prendre à l’ap- pas de ma lèvre, et l’autre, qui y a déjà goûté, me promet des Floride de caresses, des Californie de baisers. Pauvres petites sottes, je suis las d’être un mâle!... Mais, mais, et il tapotait, déjà rêveur, les lettres, — un voyage