regard les possibilités d'un amour sans préventives tendresses et cette douce chicane des feuilles de peupliers devant le vent. Le soir, maintenant, délaye une encre froide et bleue. Prenez garde aux vertiges sentimentaux! Je songe au voyage de noce de ma grand’- mère en Ethiopie, à la pipe en palissandre du garde-chasse. Certaines estampes aussi broient un exotisme perfide sous leur verre sage. Ici, c’est la campagne de Paris. Les choses qui se succèdent si vite nous laissent insensibles désormais : le cri nul de l’enfant à l’orée du village, ces nuages qui crèvent sous le soleil comme un tambour, les blêmes secrets des campagnes qui ne vivent qu’à la minute où nous passons. Les maisons roses, les églises (aigries de ce qu’un coq d’or ait pris la rose des vents dans son bec), les labours sombres, à notre passage, s’échaudent, enflamment leur mystérieux phos phore. Il faudrait se retourner pour savoir si leur vie se prolonge, si la flamme persiste. J’ai toujours pensé que les montres s’arrêtent de battre dans nos poches. Le cœur aussi, je doute qu’il s’éveille pour autre chose que les féeries d’un visage inexpliqué ou d’un corps qui s’effeuille et dont l’ombre s’héberge encore aux parois de la chambre. Irène, petite chose flexible que le hasard m’a donné pour acompte, et que j’ignore. Les cartes postales et les horaires la fascinent comme d’autres les lignes de la main et les bijoux. Je l’ai mise dans les bras d’un départ de week-end pour prévenir ses larmes menaçantes. Nous nous taisons de peur d’arriver en avance à ce carrefour de nous-mêmes où la route n’est possible qu’à travers les champs magnétiques du désir. Au seuil de l’aventure, l’accé lération des paroles se résoud toujours en un geste inévitable. Nous nous taisons, ai-je dit, et la nuit nous laisse choir dans son parachute, pour douze heures, jusqu’à l’abordée du petit jour. Phénomène que je cherche à m’expliquer : la vitesse, à mesure qu’elle mange plus d’espace, dérange mon sens de la durée. Un équilibre en moi se déplace. Le temps normal, à l’étroit dans ma pensée, tend à ■