FAUSSE ROUTE 195 se projeter en dehors d’elle. La minute ne peut gober plus de deux fois mille mètres. A partir de cette limite, elle se dédouble. Je vais vivre deux fois plus vite, quatre fois si mon moteur y consent. L’aventure qui s’ébauche prend le rythme accéléré du film chaplinesque. * Vingt mètres à la seconde : les lampes distribuées à chaque rectangle de fenêtre ne font qu’une seul balafre de lumière. Voici le but : Hôtel du Cerf d*Argent. Chambre d’indifférence où rien ne vous attire, ni ne vous résiste. « La Jeune Fille au Papillon » d’Onésime Roubis, vous accueille dans un cadre d’or vif, en décolleté 1893. La pendule est sous cloche comme une mariée. Par superstition sentimentale, on voulait agiter le grelot de la province. On y est avec ce faux sourire heureux que la déception vous colle aux lèvres comme la rançon d’une joie trop escomptée. Fauteuils de peluche frappée. Cruche invalide en terre de fer. Rideaux lourds comme des nuages. Ces choses nouvelles rendent à mon regard sa vertu de plaque sensible. Mais l’opéra teur maladroit s’est photographié lui-même dans la glace en voulant fixer l’image de la cheminée qui la supporte. Je me découvre un sou rire gris. Ma volonté se surprend à vaciller comme le corps de la figu rante qui doit rester statue pendant quatorze minutes et sent qu’elle ne tiendra peut-être pas jusqu’au bout. Le spectacle d’Irène — visage d’étain, paupières de soufre bleu et sa grâce chevillée de fards et de pudeurs — me rend la foi absurde en l’improvisation du bonheur... * Quarante mètres à la seconde : le village est une haie à sauter. Notre bonheur a pris un visage d’ange malade. Ce réveil tiède et creux et la bouffissure du sommeil sur nos faces : j’oscille entre le parti-pris d’un