212 CRITIQUE GÉNÉRALE dans les prétentions des néophytes du Cinquième Art (ou du Septième, car ils ne savent pas encore quel rang lui assigner). Est-il exact de prétendre que l'Art du Silence soit supérieur à l'Art du Verbe, parce que plus vrai ? Doucement 1 Si la fiction, le mensonge sont l'essence du théâtre et du roman, croit-on que le cinéma, pour être un reflet du monde, peut n'être qu’une plate copie de la réa lité ? Ce serait s'imaginer que les « actualités de la semaine » qui figu rent à tout programme, atteignent le sommet de l’art cinégraphique, alors qu'elles n'en représentent que les balbutiements. Ceux qui croient k l’avenir du cinéma lui conseillent au contraire de s’éloigner de la réa lité, de se parer de poésie, de fiction, donc de mensonge : « Le cinéma n'a pas encore su construire. Il ne sait pas créer. Il ne s’est pas affran chi du spectacle tout fait que lui procure la réalité... Il faut qu'il cesse d’être réaliste. Il importe qu'il devienne de toutes pièces une création du cerveau humain. » Ainsi parle M. Jean-Richard Bloch dans Feu l- te s d'Art. Voilà qui est clair : au lieu de se borner à être la photogra phie animée, le cinéma aura l'ambition d'être un art. Et si je comprends bien, le cinéma n'en serait encore qu'à la période analogue à celle où la Peinture était une reproduction purement sensorielle, tandis qu elle est aujourd’hui un paysage, un visage vus à travers un tempérament, une éducation, et qu'elle possède une discipline, une technique. Le cinéma pourrait donc évoluer ? Que ses adorateurs me pardon nent : je le crois capable de tâtonnements, de folies, d'errements. (Il faut bien que jeunesse se passe), mais d’évolution, point. Sorti du cer veau des physiciens, cet enfant, ce charmant enfant restera à l'état adolescent, et je crois qu'il n’aura pas d histoire marquée, comme celle de la peinture, par des étapes allant cle la période des cavernes à celle du cubisme. N'en déplaise aux idéalistes ; quand le cinéma cessera d'être réaliste, il ne sera plus rien. Voyez les tribulations de la pein ture qui oscille depuis des siècles entre le naturalisme qui n'est qu'une forme de réalisme, et l’idéalisme. Chaque fois que l’esprit orgueilleux veut mépriser la matière, celle-ci se venge et la peinture tombe dans les extravagances. Alors on s’écrie : « Revenons à la nature ! retour nons au classicisme 1 » Et l’on s'applique à l'observation fidèle de ce que nous voyons, bref, au sensualisme dont M. J.-R. Bloch fait trop bon marché. Puis on tombe dans la reproduction mécanique ; l'on s’en