W. MAYR 218 dégoûte, et alors recommencent les tiraillements entre l intellect et les sens... Si c'est là l'avenir qui attend le cinéma, souhaitons bonne chance aux précurseurs, rénovateurs, critiques ainsi qu'aux académistes, pom piers, fauves, cubistes, puristes, et tutti quantistes de l'Art muet. Le cinéma possède un instrument admirable, l'objectif qui capte la vie plastique, la mimique, particulièrement celle du visage, mais il dépend de l'état d'avancement de la peinture, de la sculpture, et de la littérature. Il en dépend, et malheureusement, il court souvent après elles. Son charme lui vient de sa jeunesse et de sa puérilité. Il convient à ce que nous avons de plus profond et de plus primitif en nous : le goût des images, des images animées. Mais quand il tentera d’être autre chose, psychologie, littérature, roman, il deviendra gauche, insupportable, ridicule. Le prestige du cinéma est dû au fait qu'il est non seulement une reproduction palpitante des choses, mais une amplification, une apo théose dans le renforcement de la lumière et l'acuité de l'objectif : Voici que sur la toile flotte l'imaged'une amazone. Jamais l’œil humain ne l’aurait saisie si intensément. Elle place le pied à l'étrier, vivement se met en selle. Un haut-le-corps. Le cheval part d'un trait. — Vision charmante ; grâce et force. Il y a dans ce tableau mouvant infiniment plus que dans la réalité : l’art de la mise en scène, et le miracle de la lumière concentrée sur un objet. Mais cette image qui danse sur la toile vaut-elle en nombre, sinon en intensité toutes celles qui accou rent dans mon esprit dès que je prononce ou que j'écris ce mot : « Amazone »? Un groupe phonétique d'abord, puis graphique, plus maigre et pâle, a remplacé toutes les images visuelles dont quelques unes seulement ont passé sur l'écran. L'amazone de mon esprit est légion ; elle est plus insaisissable et fuyante que celle de votre toile : je la vois au Bois, en redingote et en melon, au cirque en robe pailletée; elle estrougeaudeetrogue, blonde et frêle;elle rentre au manège ouensort par la rue de la Faisanderie ; je la vois sous les traits fiers de Penthé silée, la reine couverte d'une peau de panthère... Pour couper ce film infini, je suis obligé d'évoquer une autre image qui s'intercalera dans la chaîne qui se déroule dans mon cerveau. Laissons donc au Verbe et à l'Image leurs caractéristiques res