W. MAYR 215 sentent de même, « grosso modo » bien entendu, que nous éprouvions sous toutes les latitudes et les longitudes de la planète de pareilles réactions de plaisir, de douleur, de colère, de joie, de tristesse, voilà qui n'est point nouveau. Le cinéma est un nouveau moyen d'expression de ce fonds affectif commun dont les arts sont les interprètes. Il se peut que la littérature ait trouvé un avantage momentané à s'inspirer du cinéma, comme le montrent les notations brèves de poètes récents. Mais quand il s'agit de dépasser le monde des sensations et des émotions, l’Image ne suffit plus, il faut faire appel au Verbe. M. Jules Romains a donné de la souveraineté du Verbe une preuve écla tante dans son roman cinématographique la Donogoo Tonka. Usant du procédé cinégraphique, il a écrit une série de tableaux frétillants, éga lant en intensité visuelle le cinéma. Mais ce que ce dernier n'attein dra jamais, c’est l'ironie, l'humour que l'auteur a répandu sur ce film littéraire. Faut-il conclure? Considéré par rapport au livre, l’écran est une régression, puisqu'il nous ramène à un procédé de perception qui nous est commun avec les animaux et qu'il tend à évoquer les fantômes des objets. Les signes qui n’ont plus rien d’idéo-grammatique ont rompu toute relation avec l'en veloppe matérielle des choses. La littérature et le cinéma sont situés sur des plans différents, superposés, mais celui de la littérature est certainement le plus haut placé dans l’évolution des êtres. Il y a encore de beaux jours pour la littérature, et de beaux soirs pour le cinéma, à condition qu’on veuille les laisser évoluer chacun de son côté, sans prétendre les marier ou les asservir l’un à l'autre. Que le cinéma soit donc une distraction, un beau livre d'images vivantes. Mais que ceux qui se sentent tout à fait fatigués ne se donnent pas la peine de sonner le glas de la littérature et le ridicule de prétendre qu’elle a épuisé toutes ses possibilités. W. MAYR