SVÉA 27 même, au besoin, de la vérité, pour les anéantir. Mais il me vexait que dans une lettre de rupture, Marthe ne me parle pas de suicide. Je l’accu sai de froideur. Je la trouvai indigne d’une explication. Car, moi, si malgré le drame d’apprendre une chose analogue sur Marthe, je n’aurais pas cru devoir penser au suicide, tout au moins le lui aurais-je dit par convenance. Trace indélébile de l’âge et du collège, je croyais certains mensonges commandés par le code passionnel. Une besogne neuve, dans mon apprentissage de l’amour, se présentait. M’innocenter vis-à-vis de Marthe et l’accuser d’avoir moins de con fiance en moi qu’en son propriétaire. Je lui expliquai combien habile était cette manoeuvre de la coterie Marin. En effet, Svéa était venue la voir un jour où j’écrivais chez elle, et si j’avais ouvert, c’est parce que, ayant aperçu la jeune fille par la fenêtre, et sachant qu’on l’éloignait de nous, je ne voulais pas lui laisser croire que Marthe lui tenait rigueur de cette pénible séparation. Sans doute, venait-elle en cachette, et au prix de quelles difficultés... Ainsi pouvais-je annoncer à Marthe que le cœur de Svéa lui demeurait intact. Et je terminais en exprimant le réconfort d’avoir pu parler de Marthe, chez elle, avec sa plus intime compagne. Cette alerte me fit maudire l’amour qui nous force à rendre compte de nos actes, alors que j’eusse tant aimé n’en jamais rendre compte, à moi pas plus qu’à quiconque. Il faut pourtant, me disais-je, que l’amour offre de grands avantages puisque tous les hommes remettent leur liberté entre ses mains. Je souhaitais d’être vite assez fort pour me passer d’amour, et, ainsi, n’avoir à sacrifier aucun de mes désirs. J’ignorais que servitude pour servitude, il vaut encore mieux être asservi par son cœur que l’esclave de ses sens. Comme l’abeille butine et enrichit la ruche, de tous ses désirs qui le prennent dans la rue, un amoureux enrichit son amour. Il les résume sur sa maîtresse. Je n’avais pas encore découvert cette discipline qui donne aux natures infidèles la fidélité. Qu’un homme convoite une fille et reporte cette chaleur sur la femme qu’il aime, son désir plus vif parce