40 JEAN EPSTEIN logie. J’ai dit plus haut, d’après Abramowski, le rôle esthétique du subconscient. Je tiens à le prédire. L’esthétique qui n’était rien jusqu’ici, demain, à cause de cette découverte et de celles qui en découleront, sera à peu près tout. Toutes les sciences, toutes les religions méprisaient l’esthétique. Les arts se méprisaient entre eux. Il n’y avait d’esthétique que particu lière, spécieuse, petite, agressive, filoutée, incertaine et troublée. Tout cela en dix ou vingt ans va changer. La psychologie expérimentale découvre un ordre nouveau, l’ordre esthétique. C’est là une phase de la vie intellectuelle de l’humanité dont on ne peut encore ni justement évaluer l’importance, ni prévoir tous les effets. Il faut se rendre compte cependant que si l’espace et le temps* nous permettent de juger dans un consentement universel, en dernier ressort, ce sont des jugements esthétiques que nous énonçons. Non pas qu’alors nous soyons délivrés du sentiment, de l’amour et des passions, mais parce que cet amour et ces passions et ce sentiment sont à leur forme suprême, sous leur aspect le plus évolué, des sentiments esthétiques. <( C’était une belle époque », « C’était le beau temps » dites-vous cou ramment, et en le disant, loin d’être indifférents, vous jugez esthétique ment. C’est ainsi que l’esthétique vous donne d’une chose, non pas sa valeur absolue, qui n’existe pas, mais sa valeur le moins variable, sa valeur le plus évoluée dans le temps et dans l’homme. La maturité de toute chose possède ainsi en propre un caractère esthétique. Une civili sation atteint son apogée en même temps qu’un style, et par style je ne veux pas seulement parler d’architecture ou de mobilier, mais je veux dire un ensemble esthétique. C’est cette esthétique qui alors marque l’époque pour l’éternité humaine. Parmi la série des vérités, l’esthétique est donc la première par rang et la dernière en date, comme succédant à toutes les autres. Il faut se rendre compte que l’époque présente pourrait non seule ment apporter son esthétique particulière, une esthétique, discernable dans quelque cinquante ans, mais encore apporter l’esthétique générale