CRITIQUE GÉNÉRALE 59 par le caprice — l'artiste refuse le concours du souffle qui gonflait libre ment les anciennes voilures. C'est l'âge du monocoque et de la torpédo. Il n'y a pas plus à se féliciter qu'à se plaindre; on constate. Un baromètre ne fait pas le beau temps. Il y a encore à prédire que la vérité d'aujourd'hui sera mensonge demain. Les oscillations de la sur face ne se communiquent pas au fond et la vie ne peut modifier que ses aspects. L'essence est immuable. En toutpoèmeil y a d'ailleurs un point d'inexpliqué : c'est l'homme avec ses facultés multiples. Prévoyons donc un retour au sentiment comme le soubresaut pro chain de l’évolution artistique. Le dépouillement actuel aura sans doute l'heureux effet de purifier l’atmosphère. Une fraîcheur nouvelle nous enchantera. Entre l’homme et le monde, un équilibre sera retrouvé. Si les poètes de l'Abbaye ont tenté l’aventure de retrouver un art exclu sivement humain leur erreur fut parfois de ne réaliser qu'un art humanitaire. C’est bien loin du sentimentalisme que nous retrouverons le sentiment. Mais comprendre son temps est aussi difficile que se comprendre. Paul FIERENS. LE PONT TRAVERSÉ, par Jean PAULHAN (Camille Bloch, éd.) C'est bien à l'analyse, plus qu’à toute autre chose, que l'auteur prend plaisir. Après les émotions de guerre, dans le « Guerrier appliqué », après les images et les induits du langage, dans « Jacob Cow », voici les intentions des paroles .— et leur incapacité acciden telle —• adroitement disséquées et épluchées, sous le prétexte de trois nuits de rêves. La réalité lui apparaissant trop épaisse pour ce jeu subtil, Jean Paulhan transpose d'abord — on se doute avec quelle