70 R.-M. HERMAOT LE ROMAN “BATOUALA On est un peu surpris, quand on a achevé ce livre, du bruit si divers fait à l'entour. Tout d’abord une préface disproportionnée, bourrée d'accents pathétiques au début et s’achevant en notice géogra phique, semble vouloir remuer ciel et terre pour pas grand'chose. Entendons pas grand'chose de ce que contient le roman. Car il y a la question noire, et même pan-noire, mais les eaux-fortes de M. M.aran, quoi qu’il dise, ne s'en ressentent guère. Ecartée la petite haine correcte qu'il ne peut manquer d'avoir à l’encontre des blancs •—• et il serait puéril de s'en étonner ou de la lui reprocher — l’auteur, tout compte fait, ne nous montre aucune des vilenies coloniales annoncées à. l'exté rieur. Il nous fait connaître Batouala bon nègre flemmard et tradition- naliste, nous peint une « yangba » qui voudrait bien paraître cauche- maresque et féroce, et ne met un commandant éthylique et gueulard que comme accessoire très secondaire. Etait-ce bien la peine d’ameuter les « frères en esprit, écrivains de France » pour défendre ces notes prises et travaillées pendant six ans ? Quiconque s’est un peu intéressé à tout, dans le métier de plume, possède dans ses paperasses ce qu’il faut de documents pour fabriquer une très honnête Batouala, si ce n’est deux. Il a fallu le geste politique des Goncourt pour faire décou vrir dans ce travail ce que l'auteur, parait-il, a eu l’intention d’y mettre. Cette intention négligée, Batouala est un bon petit tableau (...noir)