314 Les images directes ne suffisent cependant pas à l’expres sion de la pensée Qu’on le veuille ou non, il s’établit entre elles des relations, des correspondances, dictées par des affinités natu relles ou de voisinage, Bientôt elles sortent ensemble et ces couples d'amies forment des comparaisons- Plus tard, pour la com modité de la conversation (car le salon de la conscience est trop étroit pour contenir beaucoup de monde à la fois) elles ne paraissent plus que seules, mais la vue de l’une appelle nécessai rement celle de l'autre. 11 y a alors métaphore. Parfois, la maî tresse de la maison, distraite, les prend l'une pour l’autre ; cette confusion se nomme métonymie. Le vocabulaire fourmille ainsi de gens équivoques dont on ne sait si le visage est emprunté ou naturel. Le temps se charge de déceler ces subterfuges en creusant de rides les uns et en faisant éclater une jeunesse éternelle sur les autres. Ainsi Boileau paraît fade pour qui ne réalise pas ses métaphores vieillies, papier-monnaie défraîchi par deux siècles d’usage. Les roman tiques éprouvaient le besoin d’étriller « ce polisson de Racine » alors qu’ils auraient dû se contenter d’épousseter son vocabulaire pour découvrir la pensée palpitante. M. Ed. Dujardin dans son bréviaire poétique De Stéphane Mallarmé au prophète Ezéchiel fait la guerre à la métaphore, bien qu’il reconnaisse ne pouvoir l’exterminer. Il est d’un bon chré tien de ne vouloir la mort de personne, mais il est d'un bon linguiste de savoir que les métaphores vieillissent, meurent et qu’il en renaît sans cesse. M. Jean Paulhan, dans son charmant opuscule Jacob Cow-, fait quelques passes d'escrime, après M. Dujardin, contre les théories de Bréal, de Darmsteter sur la vie et la mort des mots figurés. Il en appelle aux Kikouyous qui appellent la voie lactée « liane de ciel », et la joie « clair-de- lune de cœur ». Mais pourquoi se réfugier chez les Malgaches, quand nous pouvons surprendre ici même l'engendrement des métaphores? Aucun mystère dans cette incarnation. J'ai cité tout à l'heure un vers du poème de M. Paul Morand, Un