318 Histoire du 26 Octobre 1915 pour G. Duhamel. “ ... dis Jésus, mon petit” C’est le diable qui apparaît au bout de mes nerfs, qui s’épanouit au bout de mes regards. Le diable avec une faux qui s’allonge comme nos lunettes d’approche. Le diable qui fauche les nuages : moisson de pluies. Sa faux siffle un air de music- hall. Le diable court dans les rues de Reims. Il se démène. 11 saute à cloche-pied. Il bondit par dessus les ruines. Brouillard, décor Les maisons tout à coup sont des violons de pierre; elles s’écroulent d’un bloc, comme frappées de congestion. La ville est tendue de pourpre. Des fontaines éclatent en plein ciel : mamelles de feu. Le mouchoir du diable est parfumé de soufre. Un obus file comme une lettre à la poste, hop 1 il est passé comme ce doigt-ci sous mes narines. 11 a râflé les 2 roues de notre voiture d’ambulance, une petite automobile américaine où nous sommes quatre, l’un saignant sur l’autre. Bénédiction. C’est ici le terminus de la vie. Les jardins sont en plein ciel. Sainte Sophie résiste au diable. Certaines flammes sont plus hautes et plus belles que des cathédrales. Mais qui donc a payé ma place? Cette fête est magnifique, vraiment magnifique. Mes compliments, Madame, je n’ai jamais rien vu d’aussi beau. Je