336 et n’importe comment. Où le roman cesse d’être la forme adéquate, une autre forme commence. Quelle folie vous tient donc de vouloir sous-titrer votre œuvre « roman »? Un de mes amis avait débuté en poésie par des ballades. Il les tournait merveilleusement, je vous l’assure. A son sens, l’unité poétique était la ballade, comme, vous savez, le batail lon est l’unité de combat et le franc l’unité de monnaie (1). La raillerie, l’érotisme, le pamphlet, la fantaisie ne pouvaient se ramasser, briller et fleurir qu’en trois couplets et un envoi. Poème devint rapidement pour lui ballade. Et un jour, il en arriva, sa conception s’élargissant, à faire quatre couplets au lieu de trois, à déplacer les rimes, à supprimer ceci, à allonger cela, à ajouter quelque chose, bref à chambarder tout. Mais toujours, par religion de sa première forme et radotage de ses vieilles amours, il appelait cela ballade. Ce n’en était cependant plus. C’était même tout à fait autre chose, sans qu’il voulût l’admettre. Ainsi faites-vous du roman... » Le philosophe me quitta. Et il ne fut plus jamais question entre nous de roman. Non point que je l’aie convaincu cette nuit-là, mais bien parce que je n’ai jamais été qu’un entêté bourré du plus maladroit parti pris. A douze ans de là, cette conversation re revint en mémoire, au reçu du livre de MM. Joncquel et Varlet : Les Titans du Ciel — roman plané- taire. Cette fois, les grands rythmes, les ressacs et les mas carets, — tout le bric-à-brac philosophard de mon interlocu teur nocturne — allaient prendre leur revanche ! Et sur une citation de Wells, comme hors-d’œuvre, j’affrontai « l’oppo sition » de Mars en l’an 1978, sans trop d’assurance, les traductions de Stevenson par M. Théo Varlet (2) — excel lentes par ailleurs — me donnant à réfléchir quant à la ma nière de ce livre-ci. J’en fus quitte pour ma honte. Les Titans du Ciel, « audacieuse prévision du bolchevisme explosant à la faveur d’un cataclysme hallucinant » n’a rien (1) Du moins était-ce ainsi alors. (2) Editions de la Sirène.