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bâtie s’en mêle, nous avons cette impression d’assister à un
jeu, à une improvisation joyeuse, et la conviction qu’après
tout, l’art a toujours tort de vouloir être une contrainte.
Nina Payne a pénétré le rythme secret et fuyant de son
époque et l’a dégagé par la vertu d’une lumineuse intui
tion. Ce qui nous plaît dans sa Femme de 1950, c’est qu’elle
est vraiment d’aujourd’hui.
Marcel R A VAL.
LE THÉÂTRE
La Danse de Mort, de A. Strindberg
Ce décor noir et rouge (noirs les murs pauvres, rouge le
sofa provocant et inutile qui divise en deux la chambre),
les rafales de vent au dehors, les éclairs qui zèbrent la
nuit, c’est le lieu d’un cercle de l’Enfer oublié par Dante :
l’Enfer conjugal, qui maintient deux êtres rivés l’un à l’autre
par une haine profonde, ingénieuse et insatiable comme un
amour.
Nous savions déjà quel regard pessimiste Strindberg
jette sur la vie et avec quelle âpre ironie il regarde ses
créatures s’acharner à faire leur malheur réciproque, sur
tout dans le mariage, là où la société croit avoir reconnu
les conditions d’un bonheur moyen. Les personnages d’Ibsen
sont tout occupés d’une idée fixe plus ou moins envahis
sante; ceux de Strindberg animés d’une folie méchante,
se défient constamment, s’affrontent dans le besoin de se
dominer l’un l’autre — les hommes et les femmes étant
deux races ennemies entre lesquelles il n’est pas de trêve.
Amour et haine sont presque identiques et interchangeables
dans cette littérature nordique d’une si rude misogynie.
La femme n’y est jamais la compagne familière : tantôt
muse, tantôt furie (plutôt furie chez Strindberg), elle n’ap
porte nul apaisement par sa présence. Il n’y flotte pas la