La Littérature cTAvant-Garde en Hollande par Théo van Doesburg La Hollande est le pays de l’ignorance prétentieuse et du conservatisme rigou reux. Toute efflorescence nouvelle, quelqu’en soit le genre, y est systéma tiquement contrecarrée par la journalis tique. On n’y est satisfait que lorsqu’on est parvenu à exiler les personnalités représentatives et d’avant-garde. Nous perdîmes ainsi nos artistes les plus mar quants (Jongkind, Maris, Israëls, van Gogh, Thorn Prikker, Van Dongen, Mondriaan). Ils furent forcés de développer leur talent et d’obtenir le respect de leur art ailleurs, avant que l’inflexible Hollande ne les prit au sérieux. En littérature il ne fut pas pos sible de fuir à l’étranger, pour la simple raison, que poètes et écrivains restaient liés à leur propre langue. Le terrain devait donc être conquis sur le sol natal il n’est donc nullement étonnant que dans le domaine littéraire la lutte fut âpre et qu’elle n’a pas cessé. La cam pagne littéraire, qui est encore fraîche à la mémoire de la suffisante Hollande, est celle qui fut estampillée “le mouve ment de ’80„ ou encore “le mouvement du “Nieuwe Gids„. En effet. Quelque faible que ce mouvement paraisse en comparaison avec le combat que l’é norme phalange d’avant-garde livre en ce moment dans le monde, il fut une révolution littéraire réduite aux propor tions néerlandaises. Et c’est de cet évènement mémorable qu’on se repaît encore à présent. Tous les périodiques réchauffent constamment l’œuf de ’80 et se délectent avidement des débris que laissèrent Gorter, Van Deyssel, Kloos, Van Eeden etc. Or prenez garde que ce mouvement, qui se créa un organe:“DeNieuweGids„ en 1885 défendait une tendance qui était pour ainsi dire déjà périmée en France : notamment le naturalisme pour la litté rature ; le sentimentalisme lyrique pour la poésie. Oui, oui, on se battit plai samment pour l’habit littéraire usé de Zola, pour la chemise de Keats-Shelley, pour une vieille semelle des Goncourt. Que se passa-t-il, à vrai dire, lors de ce célèbre mouvement hollando-litté- raire, littéro-hollandais, de ’80 ? Il fut occasionné par l’admiration suscitée par les sonnets de Jacques Perk et le tem pérament véritablement révolutionnaire (romantique) de Multatuli. L’art .de Jacques Perk n’était pas original du tout, et dans son cycle de sonnets “Ma thilde,,, son œuvre la plus réputée, on retrouve de nombreuses imitations Keats-Shelley. En fait ce n'était guère plus qu’un dilettantisme d'étudiant amoureux un peu relevé, c’était d’une mollesse féminine et d’un sentimenta lisme outré. Ceci est en vérité la caracté ristique principale de toute cette école, qui, basée sur la sensation lyrique natu relle, se mouvait dans les bornes d’une prosodie surannée. “Mei„ l’œuvre cé lèbre de Gorter fut une exception à cette règle. Ici il y a vraiment quelqu’un qui créa son propre rhythme en rompant avec la syntaxe, et qui se chanta avec une spontanéité héroïque. Mais ce fut seulement avec l’apparition de la figure