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ÇA IRA !
Je veux citer encore ces lignes que
termine un cri navrant de désespoir, le
désespoir du prophète qui sait qu’il
prêche dans le désert. “J’ai voulu avant
tout, laisser trace de ce fait, qu'en
1920, un homme au moins a su voir et
exprimer la synthèse des maux dont
souffre peut-être jusqu’à en périr notre
civilisation — concevoir les conditions
et les résultats théoriques et pratiques
d'un retour vers les voies normales de
l’évolution politique, économique et
sociale, — montrer enfin comment
quelques grains de sable, et lesquels,
pourraient, en déterminant ces condi
tions, changer la face des destinées
humaines, si l’humanité était encore
capable d’harmoniser un peu de la foi
primitive avec les données modernes
de la Raison.
Or, de cela, il est, hélas ! à peu près
certain que l’humanité n’est pas ca
pable.,,
Créer une utopie au moment où le
problème des réalisations est le plus
poignant, se contenter d’échafauder un
rêve quand c’est l’acte qui est requis,
n’est excusable que par le profond
amour du penseur pour les hommes et
par sa croyance en leur destin harmo
nieux. Et que H. L. Follin sent toutes
ses pensées embrasées par cet amour,
ce suprême argument qu’il a réservé
jusqu’à l’avant dernier page, le montre
suffisament : "Toute l’ordonnance de
ce livre, comme tout le développement
qu’il suppose, sont uniquement basés
sur le postulat de la possibilité d’un
vaste acte de foi et d’une mmense
exploison d’enthousiasme. Si l’on
n ’ admet pas ce postulat tout
s’effondre. Seulement ceux qui le
repousseraient sans consentir à tenter
l'expérience prendraient une lourde
responsabilité.,,
Que le lecteur excuse l’apparente
présomption des lignes qui vont suivre.
Mais je crois pouvoir — homme contre
homme — opposer à celles de H. L.
Pollin mes convictions politiques et
sociales.
Je n’admets pas le postulat.
Tâchant de reconnaître en toutes
choses les courants adverses qui tou
jours y sont présents, m ’ efforçant
d’éviter l'unitéralité toujours facile,
pour donner en mes pensées, aux ten
dances contradictoiies, la place qu'elles
occupent dans le jeu des forces univer
selles, j’ai appris à comprendre que le
Bien et le Mal (pour me servir d’enti
tés abstraites) sans cesse se partageront
l'humanité, que les jeunes volontés
novatrices trouveront sans cesse devant
elles la coalition des réactions séniles et
qu’un enthousiasme général vers le
mieux et un 4 août mondial ne seront
réalisables que lorsque le monde que
nous connaissons et qui possède des
lois inviolables aura subi une révolution
intérieure, manifestement impossibie.
L’homme porte en soi-même la
contradiction originelle. L’égoïsme et
l'altruisme font partie inhérente de sa
personne. Toujours ces deux mobilés
influenceront ses décisions et il est aussi
vain de croire en une ère d’altruisme
magnifique qu’à l’anarchie d’un égoïsme
exacerbé.
Nous vivons la crise la plus formi
dable que l’humanité ait jamais connue.
Je répète un truisme. Mais s’il est en
nous une volonté de sauver de la
débâcle les trésors inaliénables de la