* 202 Intimités puériles et romanesques I Chambre d’hôtel Dès le matin des musiques militaires chantèrent et versèrent aux cœurs un goût d’héroïsme. Nous avons vu l’étang, les moulins et l’église. Voici le soir. Accoudons-nous à la fenêtre. Entends strider le cri des trains et rêver l’âme des banlieues. Les musiques des guinguettes chantent Le bel hasard qui nous fit rencontrer, Les grenadines sous les tonnelles Et l’amour d’Alissa dans le cœur des Lulus. Et chantent que le ciel est plus profond Dans le petit miroir qui reflète tes boucles Et qu’en notre amour banal qui s’est ému 11 tient peut-être un dieu. Et dans vingt ans une vieille Poussera cette porte Et d un plumeau léger Effacera de la glace l’ambre de notre souvenir. II Voici venir la mauvaise saison. La saison dure où de petits cœurs roses d’Amours flottent aux vents. Une idylle aux lèvres violettes sous un auvent grelotte. Au coin désert d’un village, une veuve se penche sur un feu de sarments et baille dans le silence de la chambre. Ne demandons pas l’impossible, ne savions-nous pas que cela finirait ainsi, quelque grand soir ennuyé. Nous le savions, mais non pas que nos lèvres auraient un jour ce triste goût de chair. Quelle huile lisse redonnerait à nos corps la candeur des luttes amoureuses et des illusions ? Hélas, je me penche sur tes yeux et n’y vois briller nulle aurore nouvelle. — C’est, dit-elle, la fatalité. — C’est, lui dis-je, la mauvaise saison.