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LE CRAPOUILLOT
Clavel alla chez son ami Dupont. Dupont est un des
rares hommes que Clavel estime à Paris : Il n’a point cédé
au dégoûtant vertige collectif; dédaignant le qu’en-dira-
t-on, il a eu le courage de se faire réformer pour une
maladie de cœur qu’il n’avait point, et maintenant il met
ses connaissances pharmaceutiques, son ingéniosité d’es
prit et ses relations au service des camarades qu’une com-
plexion normale rend aptes aux travaux guerriers. Dupont
ne travaille pas pour de l’argent, c’est un saint qui pra
tique l’art pour l’art.
Clavel exposa son cas.
—■ Veux-tu une piqûre à la fesse, grâce à quoi ton
visage se couvrira de pustules et de chancrelles?questionna
Dupont. Préfères-tu le coude de l’épilepsie ou la recette
de l’érésipèle ? Avec ces petits maquillages inoffensifs, tu
seras « paré » pour trois mois d’hôpital...
Trois mois ? Non. Clavel sent que ce serait une lâcheté
vis-à-vis de lui-même quê d’accepter; il veut être libéré
totalement; d’ailleurs avec les majors qui font des expé
riences sur les malades et coupent des membres conti
nuellement pour s’entretenir la main, l’hôpital est encore
plus dangereux que le front.
—■ J’ai peut-être une « gâche » pour toi, continue
Dupont affectueusement : Veux-tu épouser une veuve avec
six enfants? Tu passerais automatiquement dans la der
nière classe de territoriale et serais libéré illico.
— Parfait !
— Je dois te prévenir que la personne n’est pas jolie ;
de plus elle est...
— Moi aussi, ça n’a aucune importance.
Clavel est allé chez la veuve qui habite un sordide
taudis, rue des Panoyaux. Elle a le type des filles à sol
dats pour ville de garnison : Son corps n’est qu’un tas
gélatineux et malodorant ; un immonde lupus ronge son
nez camus. Près d’elle, six enfants sales grouillent comme
des vers autour d’une charogne.
Clavel éprouve une légère répulsion, il réfrène cette
légère défaillance. Son devoir d’homme libre est là, en
cette immonde créature qui a le pouvoir de le libérer de
l’abattoir : Il n’y faillira pas. Le marché se conclut.
Clavel fume sa pipe, huit jours après, la conscience
tranquille; déjà gagné par la contagion de l’arrière, il lit
P Echo de Paris; sur le lit, dévorant un reste de charcu
terie enveloppé dans du papier gras, sa légitime a 1 air
d’un monstrueux crapaud.
On frappa à la porte. C’étaient des gendarmes.
— Je suis en situation régulière : voici mes six
enfants...
— Non, vous êtes déserteur, répondit l’argousin au
masque de croquemitaine eczémateux : apprenez, espèce
de tire-au-cul, que la loi ne vous serait applicable que si
les enfants étaient nés de votre lit ! Suivez-nous.
— M....!
Tandis.que les mouchards moustachus, heureux de
toucher leur prime de vendus, lui passent brutalement les
menottes, sans que sa gouge (dont ce n’est pas sans doute
le coup d’essai) manifeste la moindre émotion, Clavel, les
yeux hors de la tête, hurle :
— Tas d’embusqués ! Bande de vaches ! A bas Man-
del ! C’est toujours les mêmes qui se font tuer!
LEON WERTH.
an, suivie de ses six enfants qui marchaient pieds nus.
Elle avait un visage délicat, amenuisé par la douleur et
le travail; elle portait une hottée d’herbe, et les bambins
avaient ramassé des fagots de brindilles à la lisière du
bois communal.
« Bonjour, Jean », dit-elle d’une voix douce et comme
brisée.
— Dieu vous garde, Marthe. »
Un long silence pesa entre eux. Jean revit son enfance,
le jour de leur première communion où elle allait, toute
blanche, entre les aubépines fleuries, dans les chemins
creux, leurs jeux puérils, puis la réserve et la timidité de
l’adolescence, quand le cœur trop gonflé ne sait que se
taire Au retour de son service militaire il l’avait trouvée
mariée à Pierre Delormeau, le journalier. Toute sa vie
était tissue de silence. Et aujourd’hui elle était veuve,
chargée d’enfants et sans autres biens qu’une maigre pen
sion. Alors il sembla à Jean qu’il avait un grand devoir
à remplir et qu’il n’avait encore abordé que des tâches
préliminaires. Il dit à Marthe :
« Marthe, tu es pauvre.
— Je me loue dans les fermes, et les enfants paissent
les vaches de M. Mourolles qui leur donne ses vieux
habits. Le gouvernement me fait une rente; M. le curé
m’a recommandé de prier pour M. Clemenceau à qui je
la dois.
— Marthe, j’ai des terres et une maison ; je n’en ai pas
besoin puisque je vis à la guerre. Veux-tu m’épouser?
Tu habiteras une maison et je serai le père de tes
enfants. »
Le soir même, ils allèrent trouver le prêtre du village
pour lui annoncer leur mariage et hâter la publication
des bancs. Le curé était un saint homme, pénétré de son
grave ministère, mais qu’une longue pratique du confes
sionnal et de l’astuce paysanne avait rendu défiant des
intentions de ses paroissiens. Il regarda Jean en clignant
des yeux:
« Mon enfant, dit-il, j’approuve ce noble désintéresse
ment d’épouser une veuve qui n’a ni vigne, ni bois, ni
prés. Mais le monde est méphant; les mauvaises langues
sont agiles. On croira peut-être que cette noce est un
calcul de ta part...
— Un calcul, Monsieur le curé...
— Ma foi ! Tu sais que les pères de six enfants sont
exemptés de la guerre. »
Jean pâlit et rougit tour à tour; puis il mit la main sur
l’épaule de Marthe et répondit gravement : '
«Resterici, à l’arrière, pendant que mes frères se font
tuer ! Jamais de la vie, Monsieur le Recteur. J’ai sept âmes
de surcroît à défendre aujourd’hui et sept raisons de plus
de mourir. »
RENÉ BAZIN.
A la manière de “ Dada ”
Enfants de Troupe
Poème
Ticla notre âge d’or Pipe Carnot Joffre
J'offre à toute personne ayant des névralgies
6/rafFe Noce un bonjour de Gustaue
Ave maria de Gounod Rosière
Air de Mayol Touring Club Phonogra/?Ae
Affiche crime en couleurs Piano mécanique
Nick Carter c’est du joli.
Liberté Egalité Fraternité. Jean Cocteau.