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LE CRAPOUILLOT
mis pourtant d’apprendre que l’infortunée victime était
enceinte.
Sans tenir compte de cette situation, son agresseur l’a
frappée avec une féro
cité inimaginable. Le
bandit surprit vrai
semblablement sa vic
time en train d’écosser
des petits pois pour
son repasdulendemain
comme en témoignent
les cosses de ce légume
éparpillées à terre. Il
la saisit par les che
veux, lui asséna le pot
à eau sur le crâne,
puis se servit, dans
l’intention de l’ache
ver, d’un bougeoir que
la victime avait hérité
d’une tante, et enfin
d’un portrait représentant le Président Carnot, qu’il avait
décroché au préalable. C’est à ce moment que l’assassin
se trouva dérangé par les voisins dans l'accomplissement
de son horrible forfait.
La concierge que nous avons interrogée affirme avoir
vu la victime, pour la dernière fois, à 5 heures du
soir. Cette dernière remontait chez elle, avec un pain de
deux livres sous le bras, ce qui semble indiquer qu’elle
attendait un invité. Depuis cet instant, que s’est-il passé?
Toutes les suppositions sont permises. L’hypothèse du vol
semble devoir être écartée. Brousse Angèle ne possédait
aucune économie. Le corps a été transporté à la Morgue
aux fins d’autopsie. Détail terrifiant : quand on souleva
le cadavre de la malheureuse, la tête se détacha du tronc !
Le meurtrier de Brousse Angèle a pris le chemin du
dépôt et a été immédiatement écroué.
L’affaire est confiée à M. Deiss, juge d’instruction.
A la manière du “ Gaulois ”
MARIAGES
Hier a été béni en l’église de la Madeleine, le mariage
lu poete Marcel L’Herbier et de notre éminente collabo
ratrice Natacha Liverka. La mariée était charmante dans
sa robe de taffetas anglais rehaussé de catgut.
Les témoins étaient pour Marcel l’Herbier, levidame de
Cathelain et le caporal comte Camélia du Palmyr’s ; pour
M lle Natacha Liverka, MM. Léon Daudet et Joseph Cail-
laux.
L<- chanoine Soulange-Bodin donnait l’absoute.
La cérémonie avait lieu dans la plus stricte intimité.
Reconnu au hasard du défilé : Prince et princesse de
Faucigny-Lucinge, duc et duchesse de Doudeauville,
duchesse de Rohan, M Jean Cocteau, M lle Cécile So-
rel, etc., etc. Tout ce joli monde a été conduit au dépôt.
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A la manière du “ Temps ” : La vie chère
Mercuriales
Aux Halles les prix montent toujours. On cote ce matin
le bœuf au pavillon de gros : aloyau de 6 francs à 9 fr. 50,
cuisse de 5 francs à 5 fr. 80, paleron et collier de 4 francs
à 4 fr. 25. Les beurres centrifuges charentais font de
13 à 15 francs le kilog, les ordinaires de 7 fr. 50 à 8 francs,
le mille suivant qualité.
La hausse continue de ces denrées de première néces
sité n’a pas été sans émouvoir nombre de nos lecteurs
qui nous ont écrit pour nous en demander la cause. Une
rapide enquête auprès des mandataires, commission
naires, clievillards et grossistes, a suffi à éclairer notre
religion. Loin de favoriser la hausse des cours, ces honora
bles commerçants s'appliquent à la limiter, alors même
que s’accuse ce phénomène économique, fatal en temps
de crise. Le vrai coupable ici est le consommateur. Un
besoin effréné de jouissance et de luxe jette tous les ache
teurs sur les morceaux de choix et les produits surfins.
De là*ces écarts de prix, excessifs il faut en convenir,
entre les diverses qualités d’une même denrée. Pour
quoi exiger le filet de bœuf alors que le collier et le
jarret constituent un aliment excellent? Et n’est-il pas
certain que le seul moyen d’enrayer la hausse des beurres
extra serait pour le public de s’alimenter raisonnable
ment de margarine et de saindoux?
A la manière de “ Vlnlran ”
Echo
Chose vue. Hier, place de la Concorde, à l’heure où le
soleil disparaît majestueusement derrière l’Arc de
Triomphe, un poilu à fourragère—-un de ces simples
poilus à fortes moustaches et à teint basané qui incar
nent si bien l’âme immortelle de la France — examine
le trottoir avec insistance. Peu à peu, les badauds s’at
troupent. C’est la sortie des ateliers et nombre de mo
distes au frais minois suivent avec intérêt les gestes du
glorieux soldat. Enfin un petit pâtissier, vrai type du
gavroche parisien, ose poser la question qui court sur
toutes les lèvres de ces braves gens :
— Vous avez perdu quelque chose?
— Oui, répond le petit soldat avec des larmes dans la
voix : cinq francs, mon prêt et mon unique fortune que
je destinais à acheter une bague, car je suis fiancé à Stras
bourg avec une petite Alsacienne.
Un frémissement secoue l’auditoire. On sent, une fois
de plus, vibrer l’âme collective de ce Paris, que, malgré
leurs espions, les Boches ne comprirent jamais ! Mais au
moment où un vénérable vieillard décoré de la médaille
de 70 va proposer une collecte, un monsieur prend la
parole : A ses cheveux grisonnants, sa redingote ornée
d’un macaron rouge, à sa prestance, chacun reconnaît un
officier supérieur en civil.
— N’étais-tu pas au 186 e ? demande-t-il au poilu.
— Oui, Monsieur...
— C’est toi, qui m’as rapporté sur ton dos, au péril de ta vie
alors qu’en patrouilleentreleslignes, j’avais été lâchement
blessé par derrière ! Tiens, monbrave, je te dois bien cela !
Et le général, car c’en était un, glissa un petit portefeuille
dans les mains du poilu stupéfait et s’éclipsa sans atten
dre ses remerciements, tandis qu’une gracieuse midinette
essuyait une larme d’un geste charmant, et qu’un brave
sergotk neuf brisques esquissait, à tout hasard, le salut
militaire.
L’épicier du coin, sa dame et son
bébé Zoé, âgé de sept printemps.