23?<br/>
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Picabia<br/>
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Gai<br/><br/>e r 1 e s<br/><br/>D a 1<br/><br/>m au<br/><br/>Exposition<br/><br/>Francis Picabia<br/><br/>18 octobre - 8 décembre 1922<br/><br/>Préface<br/><br/>par<br/><br/>André breton<br/><br/>P o r t af e r ri e b a, 18 • Barcelona<br/>
Reproduction interdite<br/>
Préface<br/>
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On ne prête pas à Francis Picabia,<br/>non qu’il ne soit le plus riche des<br/>hommes, mais parce que tout com-<br/>mentaire à son œuvre ferait l’effet<br/>d’une surcharge et ne saurait être tenu<br/>que pour un acte d’incompréhension.<br/>Toute l'activité de Picabia est en oppo-<br/>sition ardente à cette surcharge. Se<br/>corriger, aussi bien que se répéter,<br/>n’est-ce pas aller en effet contre la<br/>seule chance que l’on ait à chaque<br/>minute de se survivre? Vous n’avez<br/>pas cessé de courir et, quelque dis-<br/>tance que vous pensez avoir mise entre<br/>vous et vous, vous laissez sans cesse<br/>sur votre route de nouvelles statues<br/>
-- 10<br/><br/>de sel. Entre tous serez-vous seul à ne<br/>jamais sentir le cœur vous manquer ?<br/>Et qu’on ne m’objecte point que Pica-<br/>bia doit mourir un jour; il suffit que<br/>pour l’instant cela me semble insensé.<br/><br/>Je suis assez jeune pour m’étonner<br/>encore — est-il besoin de mire que<br/>c’est aussitôt pour m’en féliciter? —<br/>de ne pas trouver Picabia à la tête<br/>d’une mission officielle, internationale,<br/>disposant de pouvoirs illimités, et dont<br/>le but, d'ailleurs malaisé à définir, dé-<br/>passe singulièrement celui de la poé-<br/>sie et de la peinture. C’est que, de<br/>plus en plus, nous sommes en proie à<br/>l’ennui et que, si l'on n’y prend garde,<br/>«ce monstre délicat* nous aura bientôt<br/>fait perdre tout intérêt à quoi que ce<br/>soit, autrement dit nous aura privé de<br/>toute raison de vivre. L’exemple de<br/>
Picabia nous est ici d’un très rare<br/>secours. Quelqu’un me racontait qu’à<br/>New-York, parmi les visiteurs qui se<br/>pressent dans les galeries de peinture<br/>les jours de vernissage, il y a toujours<br/>quelques personnes pour ne jeter sur<br/>les murs qu'un coup d’œil désenchanté<br/>et s'informer en hâte du nom du pro-<br/>chain exposant. Si l’impossible voulait<br/>que pareil fait se produisît au cours<br/>d’une exposition Picabia, j’aimerais<br/>simplement qu’il fût répondu : Francis<br/>Picabia. Tant il est vrai qu’en ces sor-<br/>tes de choses on ne peut gagner qu’au<br/>change et qu’aussi l’homme qui nous<br/>change le plus de Picabia, c’est Picabia.<br/><br/>Nous n’avons pas trop de tous nos<br/>yeux pour embrasser cet immense pay-<br/>sage et, ce faisant, l’émotion de jamais<br/>vu nous laisse à peine le temps de res-<br/>
pirer. L’élan calculé en fonction de sa<br/>brisure et en prévision de nouveaux<br/>élans ; une pensée ne répondant à<br/>aucune autre nécessité connue qu’à la<br/>foi en sa propre exception ; cette per-<br/>pétuelle sécurité dans l’insécurité qui<br/>lui confère l’élément dangereux sans<br/>quoi elle risquerait à son tour de se<br/>faire enseignante ; l’humour, inaccessi-<br/>ble aux femmes, qui, au-delà de la<br/>poésie même, est ce qui se peut oppo-<br/>ser de mieux à la mobilisation, mili-<br/>taire ou artistique, aussi bien qu’à la<br/>mobilisation «dada», ce qui est amu-<br/>sant (l’humour et le scandale qui en<br/>procède); tous les talents aussi, avec le<br/>secret d’en user sans délectation parti-<br/>culière, comme de la chance au jeu ;<br/>l’amour par-dessus tout, l’amour inlas-<br/>sable dont ces livres : Cinquante-deux<br/>
miroirs, Poésie ron-ron empruntent<br/>le langage même et épousent les char-<br/>mantes machinations, font que nous<br/>sommes quelques-uns qui, chaque ma-<br/>tin, en nous éveillant, aimerions con-<br/>sulter Picabia comme un merveilleux<br/>baromètre sur les changements atmos-<br/>phériques décidés dans la nuit.<br/><br/>Cette nuit est, pour beaucoup, com-<br/>plète et je ne m’attends pas à ce que<br/>l’anecdote suivante fasse autrement<br/>sensation. Mais je la tiens de Picabia<br/>et, au cours de ces lignes, elle mérite<br/>de passer comme un trait de lumière :<br/>Un jour qu’en compagnie d’un de ses<br/>amis, M. S. S., de haute noblesse per-<br/>sane, celui-ci était allé visiter une<br/>exposition de peinture à Lausanne, le<br/>jeune homme, demeuré par bonheur<br/>étranger à notre «culture», lui dit:<br/>
«Vraiment tous ces artistes ne sont<br/>que des débutants ; ils en sont encore<br/>à copier des pommes, des melons, des<br/>pots de confiture» et, sur l’observation<br/>que c’était très bien peint: «Ce qui<br/>est beau, c’est de bien peindre une<br/>invention ; ce monsieur, Cézanne, com-<br/>me vous l’appelez, a un cerveau de<br/>fruitier.»<br/><br/>La vérité est que nous chercherions<br/>vainement une raison à ces exercices<br/>de toutes sortes. Il est aussi facile de<br/>faire un bon tableau qu’un bon plat,<br/>en utilisant certaines recettes. Une<br/>expérience récente a montré qu’un<br/>individu donné, en état d’hypnose, est<br/>capable d’exceller dans le genre le<br/>plus difficile, pourvu qu’il s’agisse d’un<br/>genre déterminé sur lequel l’attention<br/>du sujet a été attirée préalablement.<br/>
La fameuse maxime : « Comprendre<br/>c’est égaler» demande donc à être<br/>prise dans son sens fort. Il n’y a pas<br/>lieu de chercher plus loin les causes<br/>du succès de telle ou telle formule<br/>artistique, à l’origine de laquelle on ne<br/>trouve jamais qu’une convention. On a<br/>pris l’habitude de légitimer cette der-<br/>nière par le besoin dharmonie. Le mot<br/>harmonie est absolument dénué de si-<br/>gnification et ne témoigne que du désir<br/>d’exprimer après coup, de manière<br/>tout-à-fait insuffisante, que nous éprou-<br/>vons seulement des émotions raison-<br/>nables, ce qui importe peu. De là la<br/>prédilection longtemps marquée pour<br/>les formes fixes en matière littéraire,<br/>de là le dogme de la «composition» en<br/>peinture. C’est au prix d’un renouvel-<br/>lement constant, qui porte notamment<br/>
— i6 —<br/><br/>sur les moyens, qu’un artiste peut évi-<br/>ter de devenir le prisonnier d’un genre<br/>qu’il ait ou non créé lui-même.<br/><br/>Et si Ton y tient pour de bon,<br/>devant les aquarelles qu’expose Pi-<br/>cabia en novembre 1922, et dont<br/>la plus ancienne date de quelques<br/>mois, ne serait-on pas fondé à par-<br/>ler d’harmonie ou à faire appel à telle<br/>autre hypothèse mystique qu’on vou-<br/>dra? Si ces lois existaient, je pense<br/>qu'elles ne seraient pas propres à l’op-<br/>tique et que nulle production n’en<br/>serait en tous points justiciable comme<br/>celle-ci. C’est qu’en effet, l’œuvre ne<br/>réside plus dans un assemblage plus<br/>ou moins heureux de couleurs, dans<br/>un jeu de lignes qui touche de plus<br/>ou de moins près la réalité. Il n’y a<br/>plus de ressemblance, même lointaine.<br/>
La plaisanterie de l’interprétation n’a<br/>que trop duré. La grâce des contours<br/>connus, ceux dans lesquels Picabia a<br/>si souvent fait apparaître les belles<br/>Espagnoles, la romance des tons à<br/>laquelle il a fait prendre ce tour tra-<br/>gique, lui qui le premier a peint la<br/>terre bleue et le ciel rouge, cèdent le<br/>pas à ces compositions où les valeurs<br/>plastiques, pures de toute intention re-<br/>présentative ou symbolique, ne jouent<br/>peut-être pas un rôle plus important<br/>que la signature et le titre. On se<br/>souvient que c’est Picabia qui naguère<br/>eut l’idée d’intituler des ronds: Ecclé-<br/>siastiques, une ligne droite: Danseuse<br/>étoile; ce qu’à mon sens a d’un peu re-<br/>grettable cette manière, qui n’en pro-<br/>cède pas moins d’une des plus belles<br/>trouvailles idéalistes que je connaisse,<br/>
est de tenir trop systématiquement<br/>compte de l’étonnement du specta-<br/>teur, toujours prêt à croire qu’on se<br/>moque de lui. Ici cet inconvénient<br/>cesse, aucun titre ne faisant image ni,<br/>pourtant, double emploi. Il est im-<br/>possible de voir en lui autre chose<br/>que le complément nécessaire du reste<br/>du tableau. Au point de vue de l’es-<br/>prit dans lequel celui-ci a été conçu<br/>et après avoir tant insisté sur la faculté<br/>que Picabia possède au premier chel<br/>de rompre avec les images qu’un<br/>autre, depuis longtemps, se contente-<br/>rait de laisser de lui-même, est-il<br/>besoin de faire observer que ce serait<br/>à tort que l’on croirait pouvoir ratta-<br/>cher ces dernières œuvres à son «épo-<br/>que mécanique»? Il s’agirait d’une vé-<br/>ritable confusion et je n’ai pas à com-<br/>
battre un jugement aussi superficiel.<br/>Quelles objections il faut prévoir! Un<br/>autre peintre qui est, avec Picabia et<br/>Duchamp, peut-être l’homme à qui<br/>nous devons le plus, Picasso, me disait<br/>l’autre jour qu’en présence d’un de<br/>ses tableaux dans lequel il avait laissé<br/>quelques parties de toile non recou-<br/>verte, estimant que l’absence de cou-<br/>leur était encore une couleur, ses amis<br/>n’avaient qu’une voix pour déplorer<br/>que le tableau restât inachevé. Il était<br/>obligé de leur affirmer que le blanc de<br/>la toile était peint de sa main. Comment<br/>veut-on, dès lors, que ceux qui se pro-<br/>nonceront sur les aquarelles de Picabia<br/>n’incriminent pas la distribution des<br/>éléments colorés sur la feuille, cette<br/>émouvante apparence de disjonction<br/>chimique que présentent certaines<br/>
20<br/><br/>d'entre elles et qui est ce que jus-<br/>qu’ici nous tenions pour le plus con-<br/>traire à l’agencement d’un tableau ?<br/>Et comment la majorité des hommes<br/>s’apercevrait-elle que, pour la première<br/>fois, une peinture devient source de<br/>mystère après n’avoir été longtemps<br/>que spéculation sur le mystère et qu’a-<br/>vec cet art sans modèle, ni décoratif,<br/>ni symbolique, Picabia vient sans doute<br/>d’atteindre au degré le plus élevé de<br/>l’échelle de la création ?<br/><br/>André Breton<br/>
Reproductions<br/>
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Femme espagnole<br/>
<br/>
AS'tro la be<br/><br/>
<br/><br/> <br/><br/> <br/>
Thermomètre pour aveugles<br/>
<br/>
<br/><br/><br/><br/>Aviation<br/>
r-<br/><br/>1<br/><br/><br/><br/><br/><br/><br/><br/>
<br/><br/>'<br/><br/>Fixe<br/><br/>Fixe<br/><br/>
—<br/>
T<br/><br/>üptophone<br/><br/><br/><br/>OptopKone<br/>
m<br/><br/><br/><br/>{<br/>
1<br/><br/>Catalogue<br/><br/><br/><br/>I<br/>
<br/><br/>J<br/><br/><br/><br/>
1. Bissextiles.<br/><br/>2. Astrolabe.<br/><br/>3. Crocodile.<br/><br/>4. Aviation.<br/><br/>Collection André Breton.<br/><br/>5. Thermomètre des aveugles.<br/><br/>6. Verticale.<br/><br/>7. Portrait de jeune homme.<br/><br/>8. Femme espagnole.<br/><br/>9. Bobinage.<br/><br/>Collection Jacques Doucet.<br/><br/>10. Presse hydraulique.<br/><br/>11. Egouttoir.<br/><br/>12. Fixe.<br/><br/>13. Broyeur.<br/><br/>14. Décaveuse.<br/><br/>15. Tickets.<br/><br/>16. Résonnoteur.<br/><br/>17. Pneumatiques.<br/><br/>18. Pompe à combustible.<br/><br/>19. Obturateur.<br/><br/>20. Tolatisateur.<br/><br/>21. Mercure.<br/><br/>22. Appareil Suisse.<br/><br/>23. Plache-paille.<br/>
- 38 -<br/><br/>24. Chambre-forte.<br/>25. Magnéto.<br/>26. Ciments.<br/>27. Secteur à trois lames.<br/>28. Sphinx.<br/>29. Pompe. Collection Jacques Doucet.<br/>30. Brouette.<br/>31- Portrait d’espagnole. Collection Jacques Doucet.<br/>32. Dessin.<br/>33- Dessin.<br/>34- Dessin.<br/>35- Flamenca.<br/>36. Femme espagnole.<br/>37- Femme aux roses.<br/>38. Dessin.<br/>39- Dessin.<br/>40. Dessin.<br/>4i. Pressoir.<br/>42. Culotte tournante.<br/>43- Gaz d’essence.<br/>44- Magnéto anglaise. Collection Jacques Doucet.<br/>45- Margo.<br/>46. Radio-concerts.<br/>47- Alambic.<br/>
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DALMAU, éditeur<br/>ARTIS, imprimeur<br/>