Conformément aux règlements en vigueur l'a
L’ART ET LA CHASSE
L A chasse à l’homme tire les racines et les sources de sa carte topo
graphique au comptoir d’escompte — cela s’entend pour la douce
et subtile hallucination — l’homme. C’est normal est assez bien
— assez fou dans la répétition qui accroche toujours une nouvelle impor
tance à sa dernière apparition. Mais les résultats de la chasse à l’homme,
qu’on vend à la Bourse, sont à exposer. Avec éclat et cadre. C’est ici
qu’une barbe épaisse pousse autour de l’idée claire que je me fais, elle
n’a pas encore 4° ans d’existence et de travail honnête. J’ai horreur de
la folie et de sa forme platonique qui est l’absurde et la poésie. « J’ai
horreur » n’a plus le sel désagréable d’autrefois, cela veut dire aujour
d’hui que je fume une cigarette.
Les hommes sont inpénétrables — ceux qui croient que les hommes
peuvent s’enlrepénêtrer comme 2 mains réunies sur un ventre, ont
tort, mentent et font une mauvaise affaire. Les valeurs sont aussi élas
tiques que les lois d'airain. Les conflits n’existent plus car nous sommes
dans la poche de l'été. La mauvaise spéculation sur l'Institut, qui
exprimait autrefois une injure, nous a entraîné à voiries choses sur le
même plan — la place Vendôme qui ne pourrait pas contenir de la
moutarde péjorative, n’est qu’une constatation purement verbale.
Nos idées sont claires et n’ont pas besoin de s’exprimer, — le sport
qui consiste à faire partir, parallèlement aux idées, des haleines qui
courent et qui discutent, est connu par nos plus forts dialecticiens. Ce
sont elles qui veulent dominer et avoir raison. Mais même les plus
belles femmes de France n’ont réussi qu’à se montrer au Casino de
Paris.
Le langage est bien usé, et pourtant il remplit tout seul La vie de la
plupart des hommes. Ils ne savent que ce que la vie a su leur raconter.
La drôlerie et le petit air péjoratif sont pour eux la saveur du langage
— le sel de la vie. Dada est intervenu brutalement dans cette petite
histoire de ménage cérébral. Mais les plus importantes inventions du
siècle ont passé inaperçues : la brosse à dents, Dieu, l'aluminium.
Donc, Madame, prenez garde et comprenez qu’un produit vraiment
dada est autre chose qu’une brillante étiquette.
Dada a aboli les nuances. La nuance n’existe pas dans la parole
mais dans les cerveaux aux cellules trop entassées de quelques gens
atrophiés. Des notions simples servant de signes aux sourds-muets,
suffisent entièrement pour exprimer les mystères que nous avons
découverts.
Des influences actives se font ressentir en politique, dans le com
merce, dans le langage. Tout le monde et ce qu’il y a dedans a glissé
un peu à gauche avec nous. Dada a enfoncé la canule dans le pain
chaud. Petit à petit, grand à grand il détruit. Et nous verrons aussi
certaines libertés que nous prenons chaque jours envers le sentiment la
vie sociale et morale, redevenir des mesures communes. Déjà les
libertés ne sont plus considérées comme des crimes, mais comme des
démangeaisons.
Tristan Tzara