MAURICE DAVID Voyages Si nous sommes si malheureux Cela ne vous regarde pas. Vous devriez aimer au bois Pour mieux vous changer nos idées. Vacances Polaire s’assit à la table nappée de blanc. Il admira, à travers les vitres de la vérandah, le paysage toujours aimé, le lac entre les montagnes, qui étalait sa roue d’un bleu paon. Puis ce fut la nudité d’une femme essayant des diamants au creux de ses coussins, les jeux du soleil aux innombrables petites hésitations de l’eau. Polaire mordait à une prune rousse. Septembre est lourd de fruits savoureux, et il n’aimait pas, lui, tremper du beurre avec un peu de pain dans une tasse de lait pleine de crème. Deux jeunes filles envahissaient la salle. Elles s’assirent devant l’or des miels et la pourpre des confitures. Polaire devina pour lui- même. — Ce sont des framboises — Deux bouches luttèrent d’incarnat avec la nourriture trop douce. Polaire regarda sa prune, compara sa morsure à celles qu’il rêvait. Puis il voulut signaler sa présence. Il saisit de sa main droite le fruit qu’il goûtait, le lança : la prune mi-mangée roula à terre, tandis que la phrase du prunobôle — Des deux matineuses, qui la prendra ? — se heurtait aux murs, vide de sens, et que les deux matineuses, moins attentives au son d’une voix qu’au bruit du choc inattendu, interrogeaient le sol sur l’objet tombé, si maladroitement que leurs têtes se heurtèrent en un cri de douleur. Les loups apprivoisés de Polly Vannes pouvaient bondir en aboyant, le maître de l’hôtel aurait glissé sur la prune. Des tables versées, des cris, des appels ! Des voyageurs en pyjama, des revol vers tenus par des robes de nuit, des simulacres de viols, de razzias à l’américaine. Puis pour terminer, lui Polaire, pendu haut et court au paratonnerre. Mais, écran, dernier épisode, Françoise l’aurait dépendu pour s’offrir à lui, sous la condition de danser un sbimmy sur l’air d’un tango simili voluptueux. — Je me donne à vous pour un single — disait à ce moment Polly Vannes.