#>' f 1 L’OEUF DUR ANDRÉ SALMON Les Souvenirs de la Duchesse. On lirait dans certain numéro de la Revue Indépendante, si une « Divagation » de Mallarmé, demeurée inédite, ne l’avait fait introuvable, cette note brève de M. Félix Fénéon, à propo^ de cette page d’histoire : « Aux dépens du prime état, un triomphe évident, d’autant que plus discret, pour l’accoutumé régime. » Ces trois petites lignes pointues, le pauvre duc Alexandre se les récitait jusqu’au ravissement parfait, les jours que la duchesse, à l’entretenir de M. Andujard l’avait conduit aux limites de l’exaspération. Ça la consolait du manque d’auto rité qui permit à M me de Montjoye de commander, à grands frais, cette scène de famille à l’artiste aimable et, parce que tel, demeuré l’ami de la maison. Une glace sans tain, percée du jour attendri traversant le Parc Monceau, mettait en valeur une délicate jardinière pro venant de Louveciennes, croyait-on, si l’on appréciait à son prix, avec la jardinière, la prononciation de M me de Montjoye. La duchesse articulait honnêtement : Lucienne, « Ma jardi nière de Lucienne », pour tenir la délicate merveille de Lucienne Lartigue, femme du Ministre des Finances, et l’amie de sa jeunesse quand Léopold Andujard représentait la Réunion à la Chambre. Au-dessus de cet objet évoquant à la fois la vieille France et le faste élyséen, les Tuileries et le Garde-Meuble, s’inclinait un Latour malicieux. Son poudroiement lumineux, son chatoiement inouï, incommensurable dissolution de tons solides au delà des formes, maintenaient en vie aimable Achille de Montjoye, colonel des Ecossais, musicien et physicien, souriant avec bonhomie et fumant une pipette malouine rembrasée au tison tenu entre les deux pointes d’un compas,