L’ŒUF DUR 13 4 de sa grande hardiesse plus que de sa nudité après la pose, Rosa la donnait cette idée, pour ce qu’elle valait : Peut-être que c’était une faute que de vouloir copier de la beauté toute . faite. A l’école, on disait d’elle qu’elle avait un type classique, que c’était un Jean de Bologne. Elle ne savait pas bien exprimer, I mais un peintre, qui ne peignait pas comme les autres, lui ! avait montré des nus d’un vieux bonhomme qui vivait à la campagne, dans le midi, au pays de Zola, son camarade de collège. Ce vieux faisait poser des dondons, des maritornes, des gardes-barrières de chez lui, de vieilles luronnes et sa femme de ménage. Or, c’était très beau ! Ces paroles si simples, débitées d’un ton enfantin, boulever saient Alexandre de Montjoye. A la fois elles l’abrutissaient et elles l’exaltaient. Le duc, tour à tour, considérait le modèle comme si elle eut, cette simple et bonne créature, porté un grand secret qu’il fallait savoir atteindre, pénétrer, ou, au contraire, comme s’il n’y eut plus rien, absolument, à attendre de ce bel animal lumineux, rien que de la perfection de sa chair et de son exemplaire docilité. Lentement — à croire qu’elle ne songeait plus à se rhabiller — Rosa fût s’accroupir sur le divan. Ses fesses, robustes comme des roses de Renoir, liées à la douceur soyeuse des coussins supportant l’équilibre de son buste allongé et de ses jambes pliées, les genoux ramenés à la hauteur des seins. Elle serrait ses cuisses de ses bras rassemblés, regardant, au-dessus de ses genoux de jade, quelque chose qui était la forme décomposée de ses trop faibles pensées. Le duc demeurait trop peintre en présence d’un semblable modèle pour penser, d’abord, à son malheur. — Une Odalisque d’Ingres dans l’atelier de Courbet!... Et Renoir par-dessus le marché, n’est-ce-pas ? C’était un peu trop, bien plus qu’il ne fallait pour accabler cette intelli gence impuissante. — Rhabille-toi, petite. Elle obéit. Bien qu’on fut alors au lendemain du krak de V Union Colo niale dont les Montjoye avaient un gros portefeuille, et sans qu’il fût assuré que le duc en eût perdu le souvenir, il la prit contre lui, déjà vêtue, la câlinant en silence, sans passion, et lui glissant dans la main un billet de mille francs en disant : « Tais-toi ! On croira que je les ai perdus au jeu. » Alors Rosa qui avait envie de pleurer et qui regrettait de n’être plus toute nue, lui baisa passionnément les mains. C’est ce matin-là que le duc, qui depuis longtemps ne faisait plus l’amour, trompa pour la première fois la duchesse.