15 L’ŒUF DUR 13 FRANÇOIS MAURIAC Délectation Je pleure mes péchés — et ceux que j’ai commis Et ceux que j’eusse aimé commettre. Pour réveiller la faim dont je ne fus le maître, Je trouble ton sommeil, ô mon cœur endormi 1 Mais quel homme saurait refleurir les pêchers Dans le verger de sa jeunesse? Ce vertige n’est plus, ni cette ivre faiblesse : On ne retombe pas dans les mêmes péchés. Je plonge en de profondes eaux pour m’assouvir — Délectation défendue ! Fut-il jamais permis aux lèvres de ravir Sur des visages morts une douceur perdue ? Visages exhumés, chaque jour moins distincts, Ma délectation vous ronge : J’use de mes baisers vos cheveux, et j’éteins Dans vos yeux trop souvent rouverts, le dernier songe.