L’ŒUF DUR U 8 PHILIPPE SOUPAULT Six et Cinq Dans l’encoignure de la porte David aperçut un homme. La nuit était épaisse et cet endroit était faiblement éclairé. Il s’arrêta, hésitant et considéra l’inconnu. — La pluie vous a surpris vous aussi, lui dit l’homme... Mettez-vous à l’abri... Il peut pleuvoir longtemps... Entrons boire quelque chose. Il poussa la porte et David le suivit haletant. L’inconnu lui tendit un billet et lui dit : — Voulez-vous aller acheter au comptoir une bouteille de whisky. David prit le billet et le tint serré dans sa main. Hésitant il songeait aux chapelets de saucisses et aux quartiers de viande qu’il avait aperçus. Il se dirigea brusquement vers le comptoir et acheta la bouteille. L’homme s’était assis à une petite table. Il portait une casquette à large visière qu’il avait rabattue sur ses yeux. David lui tendit la monnaie mais l’inconnu lui dit : — Gardez cela. Vous en aurez besoin. Après avoir bu nous allons jouer aux dés. Il tira de sa poche deux dés qu’il jeta sur la table. Ils burent chacun un plein verre et la partie commença. David gagna la première fois. Son adversaire le regarda en souriant. Il releva sa casquette qui toucha sa nuque, appuya ses deux coudes sur la table et attaqua une nouvelle partie. David regarda son compagnon : ses yeux étaient noirs, son nez fin et sa bouche tordue. Les veines de son front apparais saient. David gagna dès le début, ne perdant que rarement la partie. L’inconnu tira une liasse de billets de sa poche inté rieure et la posa devant lui. Ils élevèrent l’enjeu et après avoir bu se remirent à jouer. La chance alors tourna, David voyait son gain diminuer rapidement. Il continua à jouer tandis que la faim le torturait. L’étranger ne s’apercevait de rien, conti nuait à fixer la table. Ils ne parlaient ni l’un ni l’autre. Ils ne s’arrêtaient que pour boire. David gagna de nouveau. Les billets maintenant s’amoncelaient près de lui. Quand la liasse de billets