L’ŒUF DUR 14 20 Cinq et trois font huit Jocond confia ses bagages à un porteur borgne et bossu, mais qui avait un sourire de jeune fille. En le suivant tant bien que mal, car il menait un train d’enfer, Jocond pensait : « C’est une fée ; il va tout à l’heure s’envoler avec un sourire, son chariot et mes bagages et je serai forcé de coucher tout nu. Ou encore c’est Iblis le lapidé. Ah, nous allons rire ! » Mais le porteur qui s’appelait Joseph s’arrêta devant un hôtel splendide et magnifique. « C’est ici », dit-il. Le directeur de l’hôtel reçut Jocond avec un sourire terrible : « Votre chambre n’est pas encore prête, vous coucherez dans la salle de bains. N’ayez pas peur, ajouta-t-il, la baignoire est rouillée. » Mais le soir, quand il voulut se coucher et qu’il alluma l’électricité, Jocond vit dans cette baignoire une jeune fille d’une merveilleuse beauté. C’était Bertrande. Elle se dressa, blanche apparition et d’une voix grave : « Vous êtes un schnock », dit-elle. Jocond sentit qu’il était de trop ; il referma doucement la porte derrière lui et s’en alla à pas feutrés. Dehors, il se dit : «Ma prédiction s’est réalisée, c’était bien une fée », et descendit demander une autre salle de bain. Mais en bas, il vit Joseph qu’il avait oublié de payer et qui lui réclamait au moins cinquante marcs. «Toute mon esthétique est en désarroi », pensa-t-il. Puis il alla au casino, gagna une fortune à la roulette, dansa avec Bertrande et ne comprit jamais rien à cette bizarre aventure.