L’ŒUF DUR — lâ 42 de toutes parts, des foudres obscènes et du centre des comportes. Elles posent leurs cuisses à plat sur l’argile froide, et un air aromatique et rose enveloppe leurs têtes et leur moelle épinière. Choléra brode un pantalon crème, vide et empli de chair, tout gonflé d’allusions et d’évocations. Soudain, Alice interrompt sa dentelle et Corne se regarde les ongles. L’odeur du vin suinte de toutes parts, trouble et forte. Alice et Corne roulent au milieu des fûts d’alcool. Un spectre incendiaire flotte au-dessus de l’entrepôt. Corne, la robe en désordre, montre à quelque tonneau la peau pure de ses jambes. Elles jouent, toutes trois, parmi les barriques, et ça et là on aperçoit un soupir ou une gorge. Jeux de la discordance et de la demi-lune, à la faveur d’un tonnelet en herbe, dans le hangar auguste ! Jeux de trois filles pubères et vierges, jeux chastes et sans bornes, où trois cœurs sont trois quilles, où six jambes et trente doigts cherchent sans relâche la vérité. Je connus Choléra en 1920, en pêchant à la ligne. J’étais assis sur l’herbe, au bord de la Marne. Une touche !... Hélas ! Silence ! Une autre touche ! Cela sentait le vermisseau et l’aube, le goujon et l’Eucharistie. Touches, touches ! Je pestais contre un peuplier plein de vent, contre une libellule, contre la cloche de Charen- tonneau. Le petit matin sentait Charenton et les tonneaux. Et toujours ce bouchon en contact avec mon cœur ! Cette émotion de roseau fou, de l’œil qui se fatigue et se pâme sur le bouchon ! Obsession de l’hameçon ! On s’exaspère, on rit, on pleure, on jure ! Et soudain, sur un signe du bouchon, j’enlève un maigre carpillon, et d’un grand coup de canne, je le lance sur.. Choléra, sur Choléra, debout derrière moi, et qui attendait son poisson, son destin. Le barbillon lui a barbouillé la figure. Je m’excuse. Le barbillon s’excuse. Elle essuie ses joues roses avec un mouchoir bleu. Elle m’aide à déferrer le poisson. Ses mains pleines d’écailles sont dans les miennes. Un galopin accourt en criant : Hosanna ! Le bateau-mouche accoste à Maisons-Alfort sur les instances d’une bonniche pleine d’un gosse et de lilas blanc. Au loin, une grue soulève l’horizon. Petit Choléra, voici tes mains dans les miennes et les miennes dans les tiennes ! Quel symbole que ce poisson entre nous deux comme sur les ornements des prêtres de Jésus ! Ce jour est beau comme un jour pascal, avec le barrage de la Marne à l’arrière-plan, et plus près de nous, une chèvre sur la berge au bout d’une corde qui broute, une maisonnette au nez rouge attablée devant un demi, un plongeur cosaque, une putain et un pont. Depuis, je revins souvent au bord de la Marne. Je fis la