60 soiree que nous avons donnee au Theätre de l’Oeuvre, on interpretait la Premiere Aventure Celeste de M. Antipyrine, de Tristan Tzara. Une charmante chanteuse terminait la chose par Chanson triste, de Duparc. On vocifera bien pendant l’Aven- ture Celeste, mais supporter la melodie fut impossible; on ne laissa pas chanter Mlle Hania Routchine. Celle-ci, attristee, disait: ils ne savent pas que c’est du Duparc. Sa- voir ou ne pas savoir, le public avait ab- sorbe de l’ipeca pendant une heure: Dada etait passe par lä. C’est un autre effet que celui d’Hegel. D’autre part, l’unique affirmation de la destruction est aussi une affirmation — et qui prend un romantique caractere de diabolisme. Detruire jusqu’ä la destruction etait necessaire. C’est pour cela que nous aussi pouvons faire des oeuvres d’art. II ne s’agit pas lä de la maniere hebrai'que qui ne detruit tout que pour pouvoir re- construire le Temple de Jerusalem — Dieu n’existe pas, c’est pourquoi on peut dire que Dieu existe. Que la masse se rassure. II ne s’agit pas de dommages materiels. La vie est tres agreable avec la chaleur, la nourriture et le palpable de l’amour. Nous ne sommes que contre Dieu. Contre Dieu sous toutes ses formes. Non, Dieu n’est pas Dieu. Vinci n’est pas Dieu, ni Cezanne, ni Renoir, ni Guillaume II, ni Monsieur le President de^ la Republique, ni Picasso, ni moi, ni toi, ni lui. Nous sommes tout prets ä abandonner les magnifiques acquisitions de la pensee qui ont porte l’idiotie humaine ä un si haut point. II n’y a pas de verite, il n’y a pas ä en avoir. Nous avons renonce ä vous apprendre quelque chose. Nous pouvons vous dire la bonne aventure; cela est aussi sain que de vous faire sentir notre sueur. Quand on viole une petite fille, on Ja casse. N’ayez pas peur, votre virginite etait une bulle de savon. Quand on viole une vi- eille« femme, eile demande l’heure qu’il est. Pourquoi demandez-vous loujours l’heure qu’il est? II est tout ä fait l’heure que vous voulez. Vous etes sensibles ä l’emotion esthetique. Nous la repudions et des qu’elle apparait, le plus lache d’entre nous trempe le bout de son nez dans la crotte de perroquet. Ce qui importe c’est certain residu des mots et des images. Nous ne sommes pas les maitres de ce residu. Ce titre appar- tient au public. Ce que pense de nos oeuvres le public, nous nous en moquons. Et ce que nous en pensons nous-memes.... . . . . Nous savons oü tout se precipite des bue finit le plaisir du palais. * On peut apporter certaines precisions sur les opinions des Dada'istes ä l’egard de ce qui les entoure. Ils ne tiennent pour se- rieuse et veridique aucune opinion humaine. II n’y a pas de verite quelle qu’elle soit. Cela les libere de tout respect envers Scien ce, art et philosophie. D’ailleurs ils ne respectent rien. Les gens qui respectent tout les traitent de petits polissons — c’est d’etre traites d’idiots par les dits po lissons. — Si les Dada'istes en usent ainsi avec les allumeurs de becs de gaz qui sont ä la tete, au coeur ou ä la queue de la pensee officielle, officieuse, conservatrice ou revo- lutionnaire, c’est qu’ils savent ä quoi s’en tenir sur les becs de gaz, et la maniere de faire de beaux eclairages. Tout le gaz reparti ä l’esprit vient de quelques axiomes primordiaux absolument indispensables. Ces axiomes les Dadaistes refusent d’en prendre livraison — quitte pour le plaisir ä utiliser quelques consequences — la non verite etant traitee sur le meme pied que la verite. Ils refusent de croire ä I + I et I. Soit ä l’identite. Un et un ne font deux que lorsqu’on le veut bien. II n’y a pas d’ob- jets identiques. Ainsi choit la causalite. Toute la logique repose sur l’identite d’effets produits par la meme cause. S’il n’y a pas de causes identiques, on ne peut plus compter sur la fatalite d’effets prevus. On peut concevoir des logiques tout autres que la notre. Supposez la notion des faits que nous aurions en nous en eloignant avec une vitesse plus grande que celle de la lumiere, et vous avez un nouvel enchai- nement de faits aussi fatal que le notre. On peut donc aussi bien supprimer toute fatalite, et supposer une suite d’objets sans relation de cause ä effet.