ÇA IRA ! 93 nouveau et qui l’aient exprimé dans leur œuvre, poussés par une irrésistible néces sité. Les autres n’ont fait qu’emprunter à l’expressionnisme quelques-unes de ses innovations techniques, sans par venir à s’en assimiler l’esprit. Dans le fond, ils sont restés des impressionnistes authentiques, choisissant leurs sujets au hasard dans la réalité qui les entoure et les reproduisant fidèlement quant à leur aspect général, dont ils se contentent de détruire plus ou moins les apparences linéaires. Ils parviennent ainsi à donner à leurs toiles un semblant de modernité qui leur est un suffisant sujet de satisfac tion. Le pointillisme des néo-impres sionnistes, ils l’ont remplacé par une décomposition en de nombreux plans limités par des contours rigides et recouverts de couleurs simples, formule tout aussi conventionnelle si elle est adoptée uniquement pour donner le change et masquer une complète absence de conception neuve. Ce qui manque à ces faux expressionnistes, c'est la pierre angulaire du nouvel art plastique, la forte vie intérieure, à côté de laquelle la virtuosité et le talent ne sont que des moyens d’une importance secondaire. Malgré cette différence essentielle dans la conception qui sépare les deux formes de l'expressionnisme, l'opinion commune les confond cependant, dans une complète méconnaissance de leurs buts respectifs : dans les deux tendances elle se contente de voir un art unique, qui s’est plus ou moins dégagé de la tyrannique soumission à la nature pour atteindre plus facilement à l’équilibre et à l’harmonie plastiques. C’est cette appréciation sommaire qui est également cause de ce que l’on a accusé l’expres sionnisme de n’avoir que des qualités exclusivement décoratives. Jugement injuste s’il en fut et qu’il est regrettable de voir partager non seulement par le public intelligent, mais également par ceux qui font profession de l'éclairer, les critiques d’art. Et ici nous ne parlons évidemment que des plus lucides et des plus sincères d'entr’eux, ceux qui se refusent à ne voir dans l'art nouveau qu'une mystification et qui daignent l’examiner avec loyauté et bienveillance. Hélas, malgré leur bonne foi, ils ne font qu’accroître la confusion en essayant de prétendre que ce faux expressionnisme, dont nous avons dénoncé le vide et qui a hérité des pires tares impressionnistes, constitue un progrès sur l’autre, le vrai, et en est l’aboutissement logique et supérieur. De plus, pour mieux opposer les deux formules, ils ont pris la coutume arbitraire de n’appliquer le vocable “expressionnisme,, qu’à cet impression nisme camouflé qu’ils défendent, tout en traitant le véritable art expression niste de “cubisme théorique et abstrait,,. C’est ce que fait entre autres André De Ridder, dans la brochure qu’il a consacrée au peintre français Le Fau connier et également dans les articles qu’il publie actuellement dans L'Art Libre sur Gustave De Smet. De Ridder, au cours de pages enthousiastes, pro clame ces deux artistes grand maîtres du mouvement expressionniste, et cela précisément parce qu’ils revinrent à la nature, qu’ils se contentèrent de “ sty liser „ — pour ne pas encourir le reproche de la reproduire servilement. Au lieu de partir d'un concept, comme le firent les cubistes, ils adoptèrent à nouveau la méthode impressionniste en partant