96 ÇA IRA ! Et puisqu’il faut, si l'on veut être un cœur fertile, lutter jusqu’au sommet des âmes idéales ; puisqu’il faut, pas à pas, perdre l’espoir, défendu jusqu’au souffle dernier ; puisqu’il faut s’opposer aux désastres, et proclamer la paix des camarades bons ; puisqu'il faut, <— tâche noble et sacrifice fou — boire la coupe jusqu’au fond, sans répugnance ; nous sommes las des vents adverses, nous sommes las de geindre trop, nous sommes las, nous sommes morts ! Cette idée a surgi dans nos cœurs éprouvés : partir, et mépriser les efforts inutiles, supporter le grouillant affront des foules et montrer nos mains maigres, nos bras tremblants, et nos fronts pâles. Notre devoir est accompli ; mais nous tombons, inanimés comme des mouches prisonnières ; mais nous cognons nos volontés enthousiastes au recul déroutant des horizons ; mais nous n’avons plus le courage patient et nous cachons notre faiblesse aux indiscrets. Pourquoi les trains ne vont-ils pas jusqu’en enfer, emportant nos ardeurs et nos regrets ? III. Tu m’observes avec des yeux désabusés. J’ai tenté, cependant, de plaire à tes vingt ans, et si mon geste brusque a troublé ton visage, je m’en repens avec amour, et te souris. IV. Sans toi, la ville est vide et ne m’attire pas. Tu ne m’as pas tendu tes bras familiers ; tu provoquas, par ton silence, ma douleur, et j'appelle la nuit pour m’y perdre et gémir.