98 ÇA IRA ! La déchéance d Occident L’Europe occidentale est en pleine décadence. Nul n’en peut douter, s’il n’est atteint d'une incurable cécité mentale. L’Histoire se répète, dit-on. En effet, il suffirait d’approfondir les causes qui déterminèrent la chute de l’empire romain, par exemple, pour voir que nous vivons — toutes proportions gar dés —• dans les mêmes circonstances que les Romains, peu de temps avant l’écrou lement de l’empire. La décadence. Un ordre social nouveau s’élabore, et sa naissance sera accompagnée sans doute de déchirements atroces, pénibles. Cela est-il étonnant ? N'est-ce pas dans la douleur que se produit l’enfantement ? Entretemps nous vivons en pleine décadence. A côté, au dessus des malheureux que la tourmente a rejetés, voyez l’essaim des exploiteurs de la misère populaire et des affameurs publics, éclaboussant leur entourage de leur luxe efïrené et corrompu. Et tandis qu’ils étalent complaisam ment leurs richesses scandaleuses, le peuple, en Italie, crève de faim ; les femmes et les enfants, en Autriche, meurent lentement d’inanition... La cause ? Eternellement la même : la guerre. Déclenchée pour briser l’élan du socialisme victorieux, elle a frappé durement et occasionné de profondes blessures. Le Bourgeois est vainqueur, car momentanément il a pu refouler le flot montant de la révolution. Et par suite du bourrage de crânes, les peuples, de part et d’autre, ont cru combattre pour une cause légitime, pour la justice et la civilisation. Et qui oserait prétendre, aujourd’hui, que l’harmonie promise règne en tous lieux ? Où donc est-elle, cette fraternité, cette liberté pour lesquelles on s’est mutuellement assassinés, et au nom desquelles on a trouvé moyen de tuer tout ce que la génération future promettait de meilleur? D’aucuns parlent encore d’espoir et de révolution sociale. La révolution sociale est loin, et l’espoir bien près de s’évanouir... Nous sommes devenu bien, bien pessimiste ! En qui peut-on mettre son espoir d’une révolution, non politique, mais sociale ? Ne comptons point, pour le moment, qu’un prolétariat “conscient et organisé „ la fasse. Car les masses ne sont pas conscientes, chez nous, et elles ne sont organisées que parce-qu’elles possèdent des syndicats innombrables. A quoi se limite-t-elle, l’action syndi cale ? Dans nos contrées, elle se borne à exiger des salaires chaque jour plus élevés, et la réduction des heures de travail. Travailler au minimum, et être grassement rétribués : voilà le triste idéal de nos ouvriers ! Idéal, révolution, communisme ? Allez-y-voir ! Veut-on un petit exemple de l’inter na.ionalism e du peuple ? Oyez : les patriotes avaient organisé c’est leur rôle — une “ manifestation monstre contre le retour des boches „. N’insistons pas sur le mauvais goût de certaines invectives dont on se plut à faire usage, ni sur la bêtise désolante de certaines plaisanteries. Croyez-vous que les ou vriers se soient — pour le moins — abstenus, que le cortège ait passé au