ÇA IRA ! 101 mais ses bras vont on ne sait où. L’autre fait corps avec la boue et râle... — J’ai marché sur un corps vivant ! Qui donc est-tu, toi que j’écrase ? — Quelqu’un d’enfoncé dans la vase ! Le sang s’échappe de mon flanc... —■ C’est la dernière nuit du monde... je n’ai plus d’yeux ! Je n’ai plus d’yeux ! — Moi, mon regard se mêle aux cieux mais je meurs dans la boue immonde... — A quel pays appartiens-tu ? — Je suis ton ennemi vaincu. — Oh ! Faut-il nous étreindre encore et nous trouer jusqu'à la mort ? Comme une rage affreuse étrangla le silence. Quelque chose de désespéré sembla sourdre, surgir et saccager l’air dense, Et les poings du vainqueur sacré cherchaient ce qui restait de vivante souffrance à massacrer. L'Homme enlisé, parla : “ — Vainqueur tu veux broyer sous tes pieds lourds de haine le Vaincu désarmé qui saigne. C’est ton droit. Broie puisque ta joie est de broyer. Voici mon corps, — pauvre humble proie, — déjà plus qu’à demi noyé. Hélas ! Hélas ! Du sang se coagule où vivaient tes prunelles...