r 110 ÇA IRA ! sa maman, dont le poète parait avoir hérité une sensibilité féminine, flotte entre les feuillets. Les heures sont monotonément tra giques. La mort guette les pauvres soldats. Ne parlez pas alors de gloire... “ La croix de guerre „ et les “ Eglises „ “ Union sacrée „, “ les Saints de France „ Héroïsme — sang — et vengeance ! Boum ! Boum ! lisez ce soir “ la prise du Fort de Vaux „ trois francs cinquante ! Ah ! mais non, silence, silence ! Vous tairez-vous, corbeaux ? défense de croasser, gent croassante ! Laissez dormir les sans-patrie, les sans-tombeaux, les anonymes, laissez dormir dans “ Votre crime „ les mis en croix, les Jésus-Christ, • les pauvres morts, les sans-histoire, les sans-haine, et les sans-vengeance. Mais garde à vous, maudite engeance ! faux bâtisseurs de fausse gloire et spéculateurs de la Mort ! Tous les morts ne sont pas des MORTS. Sentez, aux côtés de vos frères d'armes, s’ouvrir votre cœur au sacrifice ! Le baptême du feu fut pour Garnier un baptême de vie, car il en sort pur. Il compatit aux humbles, aux paysans. Ils sont les fils de ceux dont la main s’est ouverte pour jeter jusqu’au ciel la graine de bonheur... L’autre graine a germé aux flancs de leur compagnes et la moisson d’amour s’enfle comme les blés... s’adressant aux ennemis : Tu laisseras choir l’arme de tes mains, le vent séchera le sang de ta face... nous serons deux morts de la même race, nous serons deux morts... là... sur le chemin. nous pourrirons en disant des vers. Alors tous les morts et tous les vivants, bercés aux chansons des plus doux poètes souriront au ciel qui pleut sur leurs têtes et s’endormiront comme des enfants. line grande pitié émane de cette première partie du livre, le don de la guerre. Toujours, des paysages de pluie, la désolation, le deuiL Tous les soleils sont morts - un front de plus ouvert... Mais Garnier est blessé. A l’hôpital, il a vécu des heures blanches. Il rencontre une femme, qui contient son espérance. Le ton s’apaise. Nous lisons de doux vers d'Amour. Il engage son amie à communier dans le respect qu’il a de sa mère. Il lui fait dire : Le soir, je m’agenouille auprès de votre visage, reconnaissez-en moi votre fille en Noël. Pour tresser à son front l’immortelle couronne je n’aurai que mes bras et leur geste d’amour. et quand vient son petit enfant, son âme pater nelle, en proie à la tuerie, trouve des mots exquis : Et mon petit enfant ne saura de l’histoire, que la page d’amour — non la page de gloire. Hélas le poète devra saigner encore... Son enfant meurt. Votre maman est là blanche et lasse en son lit comme un arbre abattu au jour de la récolte... Soyez témoin, mon Dieu, que je suis sans révolte devant ce pauvre espoir si tôt enseveli. Mais Vous que j’interroge et supplie de répondre depuis toujours, Seigneur, me direz-vous pourtant ce soir, devant le corps de mon petit enfant qui va s’envelopper bientôt d’oubli et d’ombre, si vous régnez encor sur ce monde d’orgueil et s’il faut croire en Vous, aveugles et fidèles, malgré la nuit qui fait sur notre tête, l’aile de la Mort éployée comme un oiseau de deuil. Une profondeur très belle anime sa voix. Son cœur ulcéré a besoin d’appui. Il se tend vers Dieu, qui n’écoute pas... Et puis, il y a encore des tableautins poignants. La quatrième partie sont des stances à l’ami tié où l’auteur consacre, sans affection, avec une simple sincérité, quelques strophes à ses camarades: Raymond Lefebvre, Paul Vaillant- Couturier, Jean Longuet, Georges Pioch,