ÇA IRA !
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milieu d’une indifférence relative ? —
Point ! Ceux qui sont destinés à faire,
un jour, la révolution sociale, agitaient
des drapeaux tricolores, se passionnaient
pour des questions d’un nationalisme
exacerbé !
Naturellement les patriotards se
réjouissent. Nous rageons, c’est clair...
Ayons la patience d’attendre, toutefois...
Attendons ; on verra. —
Entretemps, l’idéalisme des ouvriers
se borne à vouloir imiter les bourgeois.
Ils y réussissent mal, car ils n’ont pas
pour eux l’éducation séculaire. L’ouvrier,
à son tour, réclame le luxe, non parce
que celui-ci lui procure certaine jouis
sance, mais parce qu’il veut, lui aussi,
éclabousser. Lavons-nous donc les pieds
avec du vin de Champagne ; faisons la
lessive en robe de soie !
Les grèves pour augmentation de
salaires ont été très nombreuses. La
masse, quelque peu consciente de sa
force de brute, se borne à réclamer de
l’arqent ; l’idéalisme est loin !
Que font les intellectuels, ceux qui
devraient être à la tête des travailleurs
pour les éclairer ? Beaucoup déjà
désespèrent, et rentrent dans leur
“ tour d'ivoire „. L'appui des chefs
du parti socialiste ne peut plus être
escompté : la plupart sont ministre,
et lèchent les bottes du gros capitalisme ;
contre eux nous pourrions dresser le
réquisitoire impitoyable que Trotzky
dressa contre Longuet et les socialistes
officiels de France : tous ont faibli quand
il aurait fallu agir.
Quelques-uns encore sont debouts
pourtant qui ne veulent laisser s’éteindre
l’espoir au fond des âmes. C’est en vain
qu’aujourd’hui ils tâchent de ranimer la
soif d’idéal parmi les foules : la misère
du peuple n’est pas assez noire. — Mais
un jour viendra... Lorsque l'immensité
des souffrances aura fait déborder
“ l'urne trop pleine „, ainsi que ce fut le
cas en Russie en 1917, peut-être qu’alors
la conscience du peuple se réveillera ?
En attendant, on doit accuser le pro
létariat d’occident d’une veulerie impar
donnable. Qu’a-t-il fait, pendant que
l’héroïque peuple russe se sacrifiait
noblement pour la conquête de l’idéal
commun ? Lui a-t-il prêté main forte, le
prolétariat d’occident, si cultivé ? —
Hélas ! non. Il n’est pas même resté
indifférent ! Il s’est laissé entraîner à
lutter contre ces frères qui déjà se
débattaient parmi des difficultés inextri
cables, mais qui gardaient intacts pour
tant leur espoir et leur foi en la victoire
finale. Et combien respectueusement je
salue le soldat français qui, le premier,
déposa l’arme et refusa d’assassiner ses
frères !
La rébellion des équipages de la flotte
de la Mer Noire est une preuve que tout
espoir ne peut être perdu. La corruption,
dans les masses ouvrières n’est pas
profonde : un peu de souffrance guérira
la plaie. On peut sans crainte envisager
l’avenir...
Et le jour où s’ébranleront les masses
ouvrières, c’est avec joie que les “tour
d’ivoire „ se rangeront à leurs côtés.
Mais on attend toujours...
Quousque taudem ? nico buntt.