P. J. Jouve. Deux Poèmes de la Grâce L Sur une place pleine d’opprobre où luit la boue, Quand s’ouvrent les premiers fanaux des yeux des filles. J’ai honte, et je suis offensé jusqu’au souvenir. Qu’as-tu fait, toi, qu’as-tu fait de la passion de tous les morts ? Mais tes mains et tes yeux ne sont plus que monnaie d'achat, Et toi, ton ventre de satin trouve l’impudeur encor trop lourde. Que je fasse enfin le serment de quitter l’homme du siècle ! De trouver mon compagnon dans la chose brute et contenue ! Si même il paraissait ici, lui qui projette l’âme au large, Mon ami, je n’aurais plus le courage de le chérir. J’aimais tant l’homme de l’univers ! Je l’aimais. IL Caris ! nous n'avons plus que toi Au sortir de ces enfers, Tandis que l’humanité fait son somme Avant les enfers suivants. Ne nous abandonne pas Quand tombe tout l’Occident ! Je sais bien que tu méprises Notre race mécanique. Ne nous abandonne pas ! Nous te prions dans l'ombre étroite Entre deux haineuses murailles Dont ils ont crevé les yeux. Ne nous quitte pas, ô Philia. Ne laisse pas ton serviteur Comme un enfant nouveau-né Dans la jungle aux cent bêtes. Ne laisse pas ton serviteur, Son âme est rongée de démence Pour s’être levée toute seule Contre le fourmillement. Veille sur lui, Harmonia ! Vois, une autre haine s’approche, Elle porte le droit des pauvres, Elle veut le prendre en ses bras !