ÇA IRA ! 143 autant de netteté. La réalité sociale est évidemment celle qui se vérifie le mieux : aussi la révolution sociale est-elle la plus fréquente. La réalité ethnographique est largement enracinée: aussi l’histoire nous en fournit maints exemples si celui des Irlandais ne suffît pas. La réalité politique, par les conséquences qu'en" traîne son mépris, a provoqué quelques révolutions aussi. Mais nous n’avons pas encore vu la révolution (si décisive, pourtant) qui dressera les peuples pour la reconnaissance de la grande réalité économique du libre-échange, sur la quelle seule un équilibre peut s’obtenir. La révolution est un appel à la réalité lancé au gouvernement par le peuple, qui ne se contente pas d’une formule comme les journalistes, mais qui veut adapter un programme politique à cette réalité essentielle. Dès lors un boule versement plus ou moins superficiel, c’est à dire plus ou moins sain, est inévitable. * * f * C'est ainsi qu’à l’intérieur de chaque pays, la nécessité d’un programme n’est pas moins impérieuse que dans l’ordre international. Car s’il n’en a pas, le gouvernement capitulera successive ment devant tous les groupes turbulents, composera avec toutes les résistances sentimentales, et n'avancera pas sur la voie de la justice et de cette prospérité sociale qui est la seule intéressante et la seule équitable. Il subira le prestige de l'accident militariste, la dictature du capitalisme avec toutes les compromis sions et toutes les malfaisances qu’elle entraîne (diplomatie secrète, protection nisme, impôts indirects), la tyrannie des opinions et des cultes, l’électoralisme. Il sera l’esclave des évènements, c'est à dire des passions, dont il renforcera la puissance néfaste, sans rien construire de durable. Car, qu’on le veuille ou non, la réalité commande que le capital, sans lui im puissant, cède au travail une partie de ses bénéfices ; — que l’homme dont le travail est la seule source de profits, ne paie ni directement ni indirectement aucun impôt, et que le revenu seul soit taxé, progressivement, selon son impor tance, et sans ménagements ; — que la porte soit ouverte entre tous les pays ; — que le peuple n’ignore rien des déci sions qui le lient ; — que le parlementa risme soit aboli et que les Chambres, composées d'omniscients, soient rem placées par des commissions de tech niciens élues à court terme et pour l'examen d’un cas ou d’une série de cas déterminés ; — que la liberté individuelle soit pleinement respectée et, par consé quent, que soient abolies la conscription et les armées. Bons ou mauvais, selon les appréciations, — selon les sentiments et les intérêts, surtout — il faudra bien qu'on accepte ces principes. Mais ils sont si mal menés par les évènements, que seule je crois, une révolution pourra les vivifier. Comme quelques-uns d’entre eux sont du domaine social ou politique il est probable d'ailleurs, que cette révo lution (je l’ai dit plus haut) sera prochaine et impitoyable, — l’illusion transformiste étant morte — et nous veillerons à ce que les réalités économiques ne soient pas méconnues. * * * Tout s'enchaîne. Il faut un programme. Celui-ci ne peut être que le triomphe et la reconnaissance