148 ÇA IRA ! signes étrangers, avec la naïve qui ima gine que les violences de demain vont créer la bonté d'après-demain. Dans nul avenir — ou à lointain qu’il se confond avec le rêve — dans nul avenir un peu saisissable et précis, nous ne voyons sourire le destin. Ceux qui comme Jouve, regardent sans illusion ...porteront en eux Le désespoir qui n’a plus de rives, Mais qu’ils aient la force de Jouve : ils feront éclore d'eux même et étaleront ...sur les eaux lugubres Deux grandes ailes d’amour et de vie Nous avons renoncé Au sortir de ces enfers, Tandis que l’humanité fait son somme Avant les enfers suivants, nous avons renoncé aux mensonges de tous les paradis extérieurs, Mais cha cun de nous se veut une limite à l’enfer, folie multiforme. Toujours, grâce à quel ques cœurs et à quelques raisons, Caris, la Grâce, l'Amitié, l’Amour, l’Harmonie, survivera aux coups répétés du destin. Tant que nous vivrons nous protégerons la flamme que d’autres nous ont léguées, que d’autres garderont après nous. Elle est immortelle, comme le destin son enne mi. Mais elle recule, aussi farouche, de vant les armées rouges ou devant les armées blanches ou tricolores ; et elle fuit le viol des multitudes inorganiques comme le rut des régiments. La virgi nité de notre âme sans haine échappera au baiser sanglant des révolutions cata strophiques comme elle a échappé au baiser boueux de la guerre. Vous vous rappelez, lecteurs du N° de mai de “ Ça Ira „ : Vois une autre haîne s’approche, Elle porte le droit des pauvres, Elle veut le prendre en ses bras. O mon âme, tu sais de quel côté est la justice. Tu sais aussi que demain, sauf au sanctuaire que tu es et au sanc tuaire de quelques âmes fraternelles, il n’y aura nulle part parmi les violences hurlantes, ni droit ni justice O mon âme d'amour, : Ton regard n’aime pas les révolutions Car tu te tiens bien plus avant dans l’Eternel O mon âme d’harmonie. Tu as des yeux pour enfermer la ligne entière Pacifique du ciel De quelle pitié tu les aimes, ceux-là qui sont écrasés aujourd'hui et cruelle ment enchaînés. Hélas ! pour la plupart les chaînes dont les chargent leurs enne mis sont faites de chaînes intérieures. Demain tu vas les voir, qui sait ? déli vrés en apparence. Ils expriment direc tement au dehors leur servitude la plus profonde. Tu le sais, ils n’auront pas la sagesse de laisser tomber sur le sol leurs fers brisés. Ils les brandiront, gestes furieux et qui frappent. Ils deviendront, devenant des meurtriers, semblables aux assassins qu’aujourd'hui ils maudissent avec toi. Tu les aimes avec crainte, o mon âme de justice, tant que leur geste dort dans l’incertitude du futur. Tu souffres leur souffrance. Souvent tu essaies d'ennoblir leurs espoirs. Mais tu recules bientôt, car leurs espérances refusent de répudier haine et vengeance. Tu les voudrais pour compagnons, Mais tu ne peux descendre Si bas dans la clarté Que tu sois mise en rang Un fusil au poing