ÇA IRA P 10 la contrée. C'était encore l'infâme Gui mauve. Tous les soupçons se por tèrent sur cet impudent goujat qui se plaisait à agiter le spectre de l'anarchie. Un matin, les gendarmes se dirigèrent vers sa demeure et empoignèrent le mau vais drôle. Il comparut devant les juges. Il fut accusé de masochisme et de pria pisme. Aussitôt que la sentence fut pronon cée il fut incarcéré dans un sombre cachot où il pouvait à son aise méditer le délit dont il s'était rendu coupable. Pourtant comme c'était un détenu politique et que la vie était chère à Landerneau, Guimauve fut autorisé à se procurer sa nourrirure par les soins de sa famille. Guimauve ne tarda pas à souffrir dans sa prison. Il résolut de se donner la mort par indigestion. L'infortuné se gorgea de nourriture. La ville entière en apprenant la tentative de suicide de Guimauve lui envoya force victuailles pour l’aider à délivrer la terre d'un cancre. Guimauve engraissait. Les journaux s’emparèrent de l'événement. Ils infor mèrent leurs lecteurs de l’état de Gui mauve et de son acheminement vers l'ex trémité de ses jours. — Tous les matins son geôlier venait lui apporter les ga zettes : “ Le Pravda „, “ Le Petit Mar seillais,,, ‘d'intransigeant,,, etc. Gui mauve les dévorait. Il s’apitoyait sur les radios de Moscou. La famine menaçait la Russie mais pour faire preuve de charité il était question deluienvoyer des pains. En Italie les ouvriers se lassaient de leur état d’infériorité vis à vis des patrons. Ils s’étaient révoltés et avaient obtenu le contrôle légal des usines. Le prix des denrées augmentait toujours. Une conférence internationale s'était' réunie, potrr restreindre la circulation fiduciaire. Chaque délégué appelait l'attention de la conférence sur la mau vaise situation financière de son pays et indiquait les moyens d'y rémé die r. Plusieurs proposèrent d’imposer les coffres forts. Mais le délégué zébro- vien démontra que ce serait la faillite des tire-lires et toute la presse saluait la Zébrovie conservatrice. L'interminable supplice de Guimauve finit par attendrir les coeurs. Par sympa thie pour son sacrifice des femmes lui envoyaient des tresses de leurs cheveux. Un correspondant du Daily Herald voulut interviewer Guimauve sur son système de socialisation des femmes,, mais Guimauve se refusa à tout entretien. Il avait avalé sa langue. Le maire, lui aussi, était depuis quel que temps dans une drôle de posture. Il avait placé sa fortune dans les tramways napolitains, et il avait une maîtresse qui s’appelait Mimi. Ce nom était tout un programme. L’agonie de l’instituteur de Lander neau donnait lieu à des détails de plus en plus impressionnants. Son ventre gon flait. Ses bajoues augmentaient en flaccidité. Il avait des cauchemars et dans son délire il se croyait devant ses élèves et répétait invariablement l’al phabet. L’ambassadeur du Kamtchatka inter céda auprès du gouvenement zébrovien en faveur de Guimauve. Le chef de l’Etat en perdit aux trois quarts la raison. Pour comble de malheur la peste bovine vint à sévir. — Le mal se répan