ÇA IRA ! nité qui souffre et qui lentement — bien lentement — s’améliore. Et au travers de cette pensée il nous a montré aussi son grand cœur. Dans les "Apparitions d’Ahasverus „ il a concentré non plus la ; vie d’un homme oû d’une époque, mais l’épopée toute entière de la pau vre humanité assoiffée de justice, de cette jus tice qui sonne " vengeance „ aux oreilles des ventre-creux et à bien d’autres oreilles. Ahasvérus le juif qui erre éperdu’ dans l'es pace et le temps, parcourant la terre pour al lumer l'incendie de la révolte ou troubler Vesprits des mourants, c’est l’homme qui rai sonne au lieu d’aimer. Toutes nos peines et tous nos maux peuvent se résoudre dans ce conflit : raison, sentiment, C’est la raison qui cherche, éclaire et construit, mais point de con struction durable sans l’amour qui en est comme le ciment. Or les cœurs sont figés comsse celui d’Ahasvérus dans sa poitrine d’airain. Un jour Jésus lui a dit “Arrête-toi,, et son cœur s’est figé, et aussitôt il s’en est allé plein d’inquié tude sans pouvoir s’arrêter. Ainsi va l’huma nité. De temps en temps un cœur se réchauffe et s’ouvre, mais il est aussitôt étouffé par la masse. Comme un fanal s’allume brusquement dans la nuit, des hommes se lèvent et disent des mots que nul ne comprénd, mais que tout de même il fallait dire, parce qu’ils créent quand- même un peu plus de conscience. Petit est le nombre de ce ix qui vous com prendront, ô Han Ryner, mais grande est la paix qui règne dans leur cœur, paix qui un jour illuminera toutes les âmes. Un jour ! Quand l'humanité inquiète et insensible aura enfin compris que c'est le bonheur des individus qui crée le bonheur de la masse ; que le pro grès va du dedans au dehors et non du dehors au dedans. Maurice van ESSCHE * * * Pierre et Luce, par Romain Rolland' 111. de Frans Massereel. (Edition du " Sablier „). L’histoire de Pierre et Luce est charmante. Pas d’intrigues compliquées, pas de situations extraordinaires. C’est seulement un récit où Romain Rolland, grâce à la fragilité d’expression que nous ai mons chez lui, grâce encore à une sobriété de détails, grâce surtout à son style pur comme l’amour de Pierre et de Luce, nous offre un délicieux échantillon de son talent. Le maître écrivain de Jean Christophe, le tribun qui lan ce des appels aux peuples assassinés, fait place à un conteur honnête et doux. En quel ques mots, il trace l’image de ses personnages si précisément, que nous nous les figurions comme Frans Masereel, l’adroit illustrateur de ce livre, se les figura. Le sujet est simple. Pierre est fils de bourgeois aisés. Luce est une jeune fille malheureuse et pauvre. Ils se rencontrent dans le métro, où la peur que suscite en eux une attaque de taubes sur Paris, les réunit un moment. Dès lors,'ils s’ai ment. Ce n’est même plus la guerre... Ils savou rent la paix de l’Amour. Et ce sont des détails insignifiants comme la plupart des détails d’amour ; ils sont heureusement vivants et en deviennent beaux. Un jour, Pierre apprend son départ prochain pour les tranchées. Luce et lui décident de se donner l’un à l’autre la veille de ce jour, Ils entrent dans une église pour consacrer leur promesse. Ils joignent leurs prières, quand, soudain, la colonne à l’ombre de laquelle ils se tenaient, s’écroula. Une bombe avait touché le sanctuaire... Le roman se termine brusquement. Le lec teur. ému, compatit au sort des amoureux... Et pas de rhétorique ! Nous conseillons vive ment la lecture de ce livre à nos amis. W.K.