J ÇA IRA ! N i -— - Les jeux de la chair et du cœur, par Ray mond Colleye, Masque par Joris Minne (Edi tion Lumière). Chacun connaît Raymond Colleye, le directeur de Y Opinion Wallonne. Chacun a lu ses pamphlets. Colleye est un homme dan gereux, dit-on. Colleye veut perdre le pays en le 1 divisant* Ainsi, Colleye fait sa réputation. Mais peu de gens connaisent Colleye, le poète. Il nous est un plaisir de leur présenter cet hom me à tempérament fougueux, mâle, ardent, qui crie sa pensée sans vouloir jamais en atténuer l’expression et dont la sincérité déroute souvent. Car nous nous sommes donné un code de savoir-vivre tel que l’hypocrisie est une poli tesse. Nous n’osons plus être francs... Raymond Colleye a osé. Et son amour, ses désirs, ses voluptés les plus intimes, il les étale. Il ne cher che pas les mots qui bravent l’honnêteté. Il déclare. Son verbe est toujours net. Ce n’est pas de l’affection. Ce n’est pas de la crudité. C’est de la santé exhubérante et une passion, de la vie qui encourage. Autant les rapports du poète à sa femme sont-ils pareils à éeux du mâle et de la femelle, autant sait-il de vocables légers qui bercent la bien aimée, et la caresse-t- il de vers doux comme un zéphir. Raymond Colleye ne sera pas applaudi par la masse; mais les encouragements d’une mino rité lui suffiront et satisfairont ses ambitions d’artiste. W.K. * Hendrik Conscience en de Opkomst der Vlaamsche Romantiek, par Eug. de Bock (Anvers “ De Sikkel „). Il est malaisé de porter un jugement impar tial sur l’œuvre du célèbre écrivain flamand : son incomparable popularité lui fait tort, la plupart du temps, auprès du public lettré, qui trop souvent lui dénie toute valeur littéraire. A ce point de vue, le livre d’Eug. De Bock constitue une précieuse mise au point. En effet*, pour saisir toute la portée de l’effort de Cojn- science, il importe de tenir compte des cirpon- stances extraordinairement adverses qui s’op posèrent à ses premières tentatives : c’est ce que de Bock a fort bien fait, en une rapide esquisse de la période qui suivit la Révolution de 1830. A ce moment, les premiers romans de Conscience constituaient un acte doublement révolutionnaire, tant à cause de leur audacieux romantisme qu’en raison de l’emploi subversif, de la langue flamande. C’est cette généreuse vertu novatrice qu’il s'agit de ne pas mécon naître. de Bock nous guide ensuite longuement, mais de façon attachante, à travers l’œuvre touffu du romancier, analysant avec une rare objectivité les défauts et les mérites de chaque ouvrage. En même temps il nous trace un vi vant portrait de l’écrivain, sobrement esquissé, sans faux sentimentalisme. Tout le livre est d’ailleurs dépourvu de cet agaçant lyrisme qui semble être de rigueur lorsqu'on parle du “père de la littérature flamande,,, mais on y sent constamment une émotion contenue dont fré missent les moindres pages. Eug. de Bock nous a certainement donné une des meilleures monographies qui aient paru sur Conscience. G.M. * * De derde Nacht, par Frank van den Wijn- gaert (Edition Lumière, Anvers). Présentement l’art s’apparente à un snobis me bien porté. Flatter un chroniqueur écouté et suivre ses conseils suffit pour se forger sans peine une réputation. Il est de toute urgence de s’opposer à cette modé odieuse. A cause d’elle, les jeunes fronts cachant des mondes nouveaux sont condamnés au vice ou au suicide. “Tristis usque ad mortem amœnitatis.,, La beauté ne se musèlepas, heureusement. La mode