ÇA IRA ! 215 les enfants recueillis par les institutions de charité américaines et anglaises présentent vraiment “ le type extrême de l’humanité Européenne créée par la guerre ; au-delà est le cadavre — Mais combien insuffisants les secours apportés à cette population réduite à vivre misérablement d’aumônes. Le cri de la Carmagnole : “Du pain pour nos frères !„ ne trouve en Europe qu’un bien faible reten tissement. Car les peuples ont été tous rude ment éproyvés par près de cinq années de guerre, et songent surtout à panser leurs propres blessures, si bénignes soient-elles. D’aucuns, aveuglés encore par l’absurde haine de tout ce qui est boche, trouvent que c’est bien fait, et, un mauvais sourire sur les lèvres prétendent naïvement que le peuple autricien expie maintenant par la faim le crime d’avoir fabriqué de l’artillerie lourde pour détruire nos cités et massacrer nos fils. Hommes pusillani mes qui ne peuvent comprendre que devant l’immensité des souffrances du peuple autri chien, tout ressentiment, fut-il légitime, se doit taire spontanément pour faire place à la pitié. Faut-il, parce que quelques-uns parmi les potentats qui déclenchèrent la guerre étaient autrichiens, que les enfants de Vienne ressem blent plutôt à des equelettes décharnés qu’à des hommes? Pourquoi veut-on laisser périr les habitants de l’Autriche alors que le rélèvement des ruines partout exigera les efforts de tous ? D’aucuns déjà ont fait le geste généreux et sont venus en aide à ces malheureux si éprou vés. De l’Angleterre, de la Suisse, d’Amérique surtout vinrent des nombreux secours ; on installa des cantines publiques, où les jeunes enfants de la capitale déchue sont réconfortés d'un bol de soupe et d’une tranche de pain ; les hôpitaux et les asiles ont été approvision nés pas les soins inlassables de quelques philanthropes. Mais tout ce qu’on a fait jusqu’à ce jour paraît être bien insuffisant pour sauver Vienne et ses habitants d’une ruine complète ; comment, avec les moyens précaires dont on dispose, comment, ravitailler efficace ment une ville de plus que deux millions d’habitants ? — Pourtant, de par le monde, il existe encore force gens qui veulent se sou venir des enseignements du Christ et appliquer le précepte : “Aimez-vous les uns les autres,,. Mais la plupart ne savent pas ce qui se passe à Vienne, encore que ce soit tout près d’eux, et se fient à leur journal qui n’en parle que très vaguement. Et ceux qui, pendant la guerre de 1914-18 se tinrent prudemment à l’écart et s’enrichirent scandaleusement en fabriquant des chars d’assaut ou des boucles de ceinturons sont trop occupés à arrondir leur fortune fabuleuse et mal acquise. Non contents de laisser le peuple viennois crever lamentablement comme un chien, on veut encore exploiter la détresse immense dans laquelle il se débat. Ils se fonde des sociétés ayant pour but unique l’exploi tation odieuse de ces malheureux, possible grâce au cours de change qui fait que la Couronne représente en Autriche une certaine valeur, alors qu’à l’étranger elle oscille vers le néant. Hors, afin d’asseoir plus solidement le règne de l’argent, afin de consolider le régime de l’exploitation de l’homme par le scélérat, et afin de prévenir que s’éveillent dans l’âme des travailleurs conscients du monde entier les sentiments d’intégrité et de solidarité qui y sommeillent, on fait prudemment la conspi ration du silence autour de ce qui te passe à Vienne. Car l’éclatement du ressentiment d’un peuple de travailleurs et d’opprimés peut-être terrible : voyez la Russie. Sans doute, pareille chose n’est pas à craindre en Autriche, où le peuple déjà accablé par les souffrances et les privations imposées par une longue guerre, se