147 l'ouragan de folie 1914-1918; ses artistes ont pu profiter du calme relatif pour préparer le terrain de la littérature d'après-guerre. D’un autre côté, le lyrisme a peut-être souffert de ce calme, et malgré tout le mal qu’il faut dire de la guerre, Ton doit bien avouer aussi qu’elle exerce une influence capitale sur la formation des personnalités fortes : Cendrars, P. J. Jouve, Drieu la Rochelle en portent l’empreinte, encore que l’influence ait été, chez tous trois bien diverse. Et c’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles on ne rencontre pas en Espagne la même intensité de lyrisme qu’en France. Ce fut le poète Guillermo de Torre qui, le premier, dans son mani feste ultraïste "Vertical,, donne une forme concrète au mouvement moderniste. Manifeste sans théories étroitement établies, laissant à tout artiste sa personnalité propre, mais lançant un appel à quiconque sent enfin la nécessité de faire naître une beauté nouvelle, de créer un art moderne. Guillermo de Torre lui-même a prêché d’exemple, et est, certes, l’artiste le plus divers, le plus universel de la jeune littéra ture espagnole. Nous avons publié ici-même (1) un de ses poèmes, qui n’a mis en évidence que l’une des phases de son beau talent. En voici une autre dans cet extrait où il caractérise Chariot d’une manière vraiment saisissante : Fantoche caricatural Le mécanisme de ses mouvements logarithmise l’équation photogénique Jeu rythmique des gestes et regards confluant vers le summum de la grâce pure — Un autre mérite, et non des moindres, de Guillermo de Torre, c’est de faire connaître dans la Péninsule, par une collaboration intensive à toutes les jeunes revues, les divers mouvements modernistes d’Europe. Il est singulièrement bien au courant de la littérature française nouvelle, et c’est certes à lui que doit revenir le mérite d’avoir fait le plus pour faire connaître en Espagne les grands poètes français actuels : Apollinaire, Cendrars, Cocteau, Sauvage. Contrairement à ce qui est le cas en France, la nouvelle littérature espagnole a produit peu d'œuvres jusqu’ici : elle vit surtout dans quelques jeunes revues, et sans doute les dures conditions de librairie de l’heure actuelle empêchent les auteurs de publier leurs œuvres. Des revues plus imposantes, telle Cosmopolis dont Guillermo de Torre (1) Voir “Ça-Ira„ numéro 17.