159 en dehors de toutes voies tracées sauf celles sans doute qu'ouvrit Le Coup de Dés Mallarméen. Marcel Sauvage cherche à identifier la sensation avec son cadre psychique. Il enjambe sans cesse l’hiatus qui sépare l’irritation superficielle de la rétine ou du tympan des associations plus ou moins ordonnées que produit mécaniquement la transmission sensorielle dans les centres cérébraux. Il parvient ainsi à abstraire des visions polychromes et à nantir de couleurs les plus lointaines propulsions de l’inconscient. Franz Hellens est un curieux esprit profond autant en poésie qu'en ses romans, Tristan Deréme un poète miraculeusement classique et Paul Valéry figure dans le lyrisme présent une façon de disciple, moins géomètre ou logicien que doué merveilleusement pour la musique, du vieux Kant et de sa Critique de la Raison Pure. Sa plastique symbolique parvient à force d’art à l'étrange pouvoir synthétique et mysticisant de la musique de Bach. Ainsi, le volume de Paul Neuhuys arrive t-il à donner un aperçu très judicieux du mouvement lyrique contemporain. J’ai dit au début que son auteur ne me semblait pas avoir donné à la musique sa place normale en poésie. Il parait n’avoir voulu, comme je tiendrais à ce que ce fut fait, séparer rigoureusement la prose de la poésie. Certes, je sais que bien des morceaux de prose sont tout musique ; La Danse d'Hérodiade dans le conte de Gustave Flaubert, la vision du Forum dans Madame Gervaisais de Goncourt, certains morceaux de Rosny dans Vamireh et tant d’autres constituent de la poésie. Mais pourtant je tiens la séparation comme absolue. La prose est illimitée. Quel que soit le morceau que l'on me citera, je vois les raisonnements et les définitions, les coordonnées et les finalités prolonger, en deçà et au delà n’importe quelle phrase, n’importe quel livre, n’importe quelle œuvre. Un poème se suffit. Il n’a aucune filiation avec rien. Il nait et meurt devant vous. Il est total. Rien ne le rattache à une série causale, du moins en son contenu proprement poétique. Cette individualisation de la poésie, augmentée et complétée par la musique verbale qui lui sert de substrat, met un abîme entre le plus poétique des poèmes en prose et la poésie pure. Il faut noter que je ne tiens aucun compte des méthodes scripturales, ni des techniques qui sont choses négligeables, malgré toutes les traditions. Au surplus, il faut être plus hermétique à l’intelligence que le liège ne l'est à l'eau pour parler techniques traditionnelles en France. Notre poésie est basée sur les rapports des brèves et des longues, des temps forts et des temps faiblesde la poésie latine. La rime et la numération des syllabes nestmt que dès trompe l’teil. H suffît de scànder des vers de Hugo, de