Ventre de ma Mère
C’est mon premier domicile
Il était tout arrondi
Bien souvent je m'imagine
Ce que je pouvais bien être
Les pieds sur ton cœur, maman,
Les genoux v tout contre ton foie
Les mains crispées au canal
Qui aboutissait à mon ventre
Le dos tordu en spirale
Les oreilles sourdes, les yeux morts
Tout recroquevillé, tendu
La tête presque hors de ton corps
Mon crâne à ton orifice
Je jouis de ta santé'
De la chaleur de ta vie
Des étreintes de papa
Bien souvent un feu hybride
Electrisait mes ténèbres
Un choc au crâne me détendait
Et je ruais sur ton cœur
Le grand muscle de ton vagin
Se resserrait alors durement
Je me laissais douloureusement
Faire, et tu m’inondais de ton sang
Mon front est encore bosselé
De ces bourrades de mon père
Pourquoi faut-il se laisser faire
Ainsi à moitié étranglé
si r avais pu ouvrir la bouche
Je t’aurais mordu
Si j’avais pu déjà parler
J’aurais dit :
Merde ! Je ne veux pas vivre
1917
Blaise CENDRARS